Lundi 11 octobre, Canal+ recevait dans son Grand Journal Tony Blair, à l’occasion de la publication de ses Mémoires. L’ancien premier ministre a fait preuve de beaucoup d’aisance, s’exprimant dans la langue qui fut autrefois celle de la diplomatie, le français. Cela lui a sans doute assuré la sympathie de ses interlocuteurs, tout en lui évitant d’avoir à répondre instantanément aux questions les plus embarrassantes. Je m’abstiendrai, pour l’instant, d’esquisser la moindre comparaison avec certain chef d’Etat s’exprimant sur quelques vidéos malicieusement présentées par Yann Barthès, vidéos qui ont beaucoup amusé l’invité. La maîtrise de l’anglais faisant désormais partie du socle de connaissances de l’honnête homme, il est navrant de voir ainsi bredouiller l’homme qui prétendait diriger l’Europe.
Tony Blair a aussi évoqué la peur du pouvoir. Cette formule ne désigne pas la peur que pourrait susciter un gouvernement criminel et pas davantage celle que pourrait éprouver un candidat à la magistrature suprême, à l’image de la peur de gagner que des commentateurs prêtent à des sportifs malchanceux. Non, la peur du pouvoir, c’est celle qui pénètre tout dirigeant responsable face aux conséquences des décisions qu’il lui faut prendre. Et l’ancien premier ministre britannique confiait que celle-ci ne l’avait jamais quitté.
Il est imprudent d’essayer de deviner les sentiments qui animent tel ou tel. Mais je crains que la peur du pouvoir ne soit totalement étrangère à notre grand omnipotent. Il me semble plutôt qu’il soit capable de céder à la jouissance du pouvoir. J’en veux pour preuve ce remaniement ministériel annoncé dès juillet et qui est tenu désormais pour intervenir en novembre. Quel est le chef d’entreprise qui annoncerait une réorganisation sans la mettre en œuvre rapidement ? Il sait trop bien que ceci aurait un effet démobilisateur sur les membres de la direction dont certains pourraient hésiter à mettre en place des mesures dont ils ne seraient pas assurés de récolter les fruits.
Je crois plutôt que Nicolas Sarkozy prend actuellement un plaisir sadique à voir certains ministres douter de leur maintien au gouvernement et qu’il se délecte d’en voir d’autres se pousser du col ou rivaliser de servilité pour décrocher quelque maroquin d’importance.
Pendant ce temps-là, la France glisse on ne sait où, peut-être vers la révolte, avec un Parlement qui se précipite pour adopter en quelques jours une loi destinée à régler le sort des retraites pour des décennies. Terrible inconséquence !