Agité du bocal, écorché vif ou simplement grande gueule populiste, le cas Mélenchon divise. Sa dernière saillie sur David Pujadas a suscité une vive polémique mais doit être appréciée à l’aune d’un lourd passif médiatique marqué par la recherche de la formule choc, de la phrase assassine et désormais de l’insulte facile. Sa prestation au Grand Jury RTL du 10 octobre permet de mieux cerner le personnage et de tenter de comprendre ses ressorts.
“Je dis ce que j’ai à dire”, “moi je réagis“. L’eurodéputé estime que le peuple l’a élu comme il est et, qu’il n’a pas à changer en fonction des cénacles dans lesquels il évolue.
Jean-Luc Mélenchon revendique donc un parler vrai qui ne saurait être de la grossierté car, l’élu aime à rappeler qu’il a des lettres et une solide culture. N’allez pas lui dire qu’il s’enferme dans un personnage, la réponse, bravache, fuse aussitôt : “personne n’est de taille à m’enfermer dans quoi que ce soit“.
Non, Mélenchon à sa façon est une personnalité habitée par le sentiment d’avoir une mission à accomplir : “porter la parole des humiliés, de ceux qui n’ont jamais droit à la parole, qu’on pressure de toutes les manières“. “Moi, je dis des choses banales que tout le monde ressent“.
Reste la manière. Si le président du Front de Gauche (FG) avoue son goût pour “la langue forte, puissante” c’est parce qu’il trouve là le moyen de traduire la rage qui le traverse. “Ce que je ressent d’abord, c’est le sentiment de nos compatriotes, le fait qu’ils n’en peuvent plus et que ça suffit.”
“Tous les donneurs de leçons peuvent s’étrangler d’indignation, ils peuvent brandir leurs dérisoires cartons rouges : populisme, dérapage. J’assume.” Son credo messianique revendiqué, c’est de fustiger “les importants”, les mœurs arrogantes des amis de l’argent. Avec des exceptions puisqu’on apprenait par la bouche de Bernard Tapie sur France Inter hier que le sénateur Mélenchon avait été l’un des rares hommes politiques à l’avoir visité lors de son incarcération à la Santé…
Dans le collimateur de cet eurodéputé atypique qui ne manque pas de railler les “eurobéats” figurent au premier rang les journalistes qu’il considère, à l’instar de David Pujadas, comme des “laquais”. Des laquais, selon lui on peut bien les traiter de “salauds” avec en filigrane l’amalgame odieux selon lesquels ils ne seraient que les collabos des puissances financières “qui ne donnent pas à connaître des faits mais de ce qu’ils croient“.
Emmanuel Berretta, journaliste du Point estime à ce titre que “l’insulte de Jean-Luc Mélenchon envers David Pujadas est un acte politique, la position d’un tribun qui veut faire savoir qu’il se bat contre l’establishment“. Dès lors, pas de regrets, pas d’excuses. Au contraire, hier sur RMC (cf vidéo), Mélenchon remettait une louche dans ce qu’il convient désormais d’appeler la polémique Pujadas.
Dimanche sur RTL, dans des élans à la Pol Pot, il avait donné le ton, promettant le grand soir de la presse : “Les médias seront révolutionnés si les choses venaient à changer“. Aux champs peut être les scribouillards les mauvais penseurs …
Dans ses colères, Mélenchon a néanmoins des pointes de pertinence qui crédibilisent son discours quand par exemple, il stigmatise la financiarisation de la société et relève que “les ultra-riches sont des facteurs de trouble dans la mesure où ils alimentent la bulle financière par des placements hasardeux“. Mais très vite, l’agressivité reprend le dessus notamment à l’égard des anciens compagnons d’hier, ces sociaux-démocrates qu’il exècre, et propose “d’en finir avec la bouillie sociale-libérale qui ne comprend pas que le monde court à sa perte“.
Sa solution, c’est la révolution citoyenne telle que décrite dans son livre qui sort aujourd’hui, au titre évocateur “Qu’ils s’en aillent tous“.
Ravalé au rang de grand satan, DSK est prévenu, Jean-Luc Mélenchon, candidat auto-déclaré aux présidentielles, ne lui apportera pas automatiquement “ses” voix. Son objectif c’est d’abord de “renverser la table“, de faire un score à deux chiffres censé faire plier le PS.