Son intention était claire : “Je voulais que Kaboom ne rentre dans aucune case.” Avec sa dernière réalisation, Gregg Araki a mélangé les genres, accouchant d’un mutant cherchant à décloisonner le cinéma. C’est gentil. Mais c’est raté.
Smith est un jeune sympa. Ce beau brun aux yeux bleus (Thomas Dekker) couche de temps en temps avec London (Juno Temple) mais craque également pour Thor, son roommate aux poils blonds. Entre deux parties de jambes en l’air, Smith passe du temps avec Stella (Haley Bennett), sa meilleure amie lesbienne qui, elle, en pince pour Lorelei (Roxane Mesquida), une brune ténébreuse et mystique.
Parce qu’il traite sans drames ni flonflons du thème queer en prenant pour personnage principal un gamin ne se réclamant ni bi, ni gay, Kaboom est sans conteste un film non conventionnel et mérite que l’on s’y intéresse. Le film a d’ailleurs remporté cette année la toute première Queer Palm du Festival de Cannes. Récompense méritée lorsque l’on sait qu’Araki parvient au détour d’un dialogue à évoquer la fameuse échelle de Kinsey.
Il en fallait donc de peu pour croire à un film consacré à la recherche d’identité, une plongée dans la tête d’un ado avide d’expériences ne souhaitant pas avoir à choisir entre les femmes ou les hommes. Le tout avec irrévérence, à cent à l’heure et sans moralisme lourdingue. Sauf qu’au cours d’une soirée, Smith assiste au meurtre d’une fille, celle-là même qu’il avait vue à maintes reprises dans ses rêves. Mauvais trip sous l’emprise d’un space cookie ou réalité ? Commençant son enquête tout en continuant de baiser comme un lapin, Smith va se retrouver impliqué dans une intrigue mettant en jeu l’avenir de l’humanité. Bah voyons.
Hop, faisons du personnage central un défenseur de la théorie queer pour justifier quelques sauteries. Hop, faisons un petit speech de trente secondes sur son désir d’être cinéaste, ce sera l’occasion d’aligner quelques extraits de films célèbres, Luis Buñuel en tête. Tout dans ce film est prétexte. Commençant comme un pur campus movie pour se muer en thriller et finir en comédie fantastique, Kaboom est un pur produit du délirant Gregg Araki. Malheureusement, en voulant signer un crossover de styles et d’influences, hommage au Twin Peaks de David Lynch, le réalisateur de Mysterious Skin semble s’être arrêté à ce que chacun à de plus mauvais. Au final, Kaboom ressemble à une vaine tentative visant à réaliser un nouveau Donnie Darko, les masques des tueurs rappelant d’ailleurs le fameux “lapin” du film de Richard Kelly.
Comme pour justifier son choix de s’affranchir des conventions, Araki en fait des tonnes, étrangle son spectateur avec des révélations en cascade toutes aussi invraisemblables les unes que les autres et bousille les quelques jolies répliques cinglantes (merci Stella) avec des dialogues téléphonés de série B (”Tu connais The New Order” ?). Quant à la musique, elle est à l’image du film : séduisante au début (Interpol, Yeah Yeah Yeahs) elle finit sur un lamentable Placebo rappelant les plus mauvaises heures de Sex Intention.
“Kaboom est un film sur la jeunesse d’aujourd’hui“, écrit Libération. Kaboom est tout sauf ça. C’est une promesse non tenue, la déception de voir une comédie pop transgenre – du point de vue cinématographique tout autant que sexuel – se transformer en un gâchis vaguement transgressif et confus.
Photo : © Why Not Productions