En reprenant l'historique de cette fusion on s'aperçoit que malgré des enjeux de taille pour le Maryland, étrangement, beaucoup d'obstacles institutionnels se sont dressés les uns après les autres, ne facilitant pas la coentreprise de Constellation Energy et d'EDF. Pourtant la construction de ces réacteurs EPR entrainait la création de 4000 emplois et le maintien de 400 pendant l'exploitation. De plus elle devrait aussi remédier aux besoins cruciaux en électricité de cet état. En effet, selon le ministère américain de l'énergie (DoE) les besoins du Maryland en électricité vont augmenter de même que la consommation américaine va augmenter de 0,8% par an. Aux Etats-Unis la part de l'énergie d'origine nucléaire est de 20 %. Elle est de 26 % au Maryland. Selon des estimations des milieux professionnels, les Etats-Unis devront construire 35 nouveaux réacteurs pour conserver cette part de 20% d'électricité produite par le nucléaire, ce qui représenterait un investissement de quelque 280 milliards de dollars
Reprenons l'affaire depuis le départ. Le 3 décembre 2008 EDF Developpement inc (filiale à 100% d'EDF) annonce le rachat pour 4,7 milliards de dollars des activités nucléaires de Constellation Energy. EDF apporte en outre 1 milliard en liquidité si bien que Constellation Energy n'est plus condamnée à la faillite. EDF se félicite d'avoir remporté l'offre au détriment de la MidAmerican de Warren Buffet à qui est versée cependant la coquette somme de 593 millions de dollars de dédommagement. D'autre part ses actions préférentielles sont converties en obligations à hauteur de 1 milliard de dollars, venant à échéance au 31 décembre 2009 et portant un intérêt de 14%. Pierre Gadonneix le PDG de EDF à l'époque se félicite du deal puisque selon lui « Constellation bénéficie de fondamentaux solides et de perspectives de développement qui, pour EDF et beaucoup d'autres, sont nettement sous-évalués par la proposition de MidAmerican ».
Dès le départ EDF ne peut détenir que 49,9 % des actifs nucléaires puisque selon la loi américaine une entreprise étrangère ne peut détenir plus dans les entreprises de ce domaine qui ont un intérêt stratégique évident. EDF voulait contourner cet obstacle en s'alliant à des fonds d'investissement mais du fait de la crise cela n'a pas pu se réaliser et EDF a dû se contenter de moins de 50 %.
Puis en juin 2009 l'Etat du Maryland suspend le projet car il estime que son accord préalable est nécessaire du fait de la particularité de cette industrie ainsi qualifiée d'utilité publique. Et de la « substantielle influence que pourrait exercer EDF dans la gestion de groupe. Pourtant sur le site de EDF lors de la publication de la nouvelle de on peut lire que « L'offre d'EDF n'est soumise à aucune condition de financement. EDF veillera à rester en contact étroit avec les autorités de l'État du Maryland, même si l'accord de la Commission de Service Public du Maryland n'est pas requis. L'opération n'est pas soumise à l'approbation des actionnaires de Constellation ».
Début juillet 2009 Constellation Energy se retourna vers la justice américaine mais celle-ci envoya paître l'énergéticien américain sur le motif que «l'examen du dossier par le régulateur, la Maryland Public Service Commission (PSC) devait suivre son cours». Comme il est dit dans un article du Figaro du 31 juillet 2009, Constellation espérait trouver un accord avec la commission mais celle-ci décida de reporter son examen, arguant le besoin d'informations supplémentaires. Depuis que la commission a commencé l'examen du dossier, c'est plus de 15.000 pages de documentation et de nombreux entretiens qui ont été réalisés. EDF et Constellation Energy envisageaient de finaliser leur partenariat en 6 ou 9 mois après l'annonce de rachat. Ce n'est que le 30 octobre 2009 que la cour donne enfin son feu vert avec toute une série de conditions notamment une réduction de 100 dollars à tous les clients de la Baltimore Gaz and Electricity pour l'hiver 2009.
Mais ce n'est pas tout. En Février 2010, Barack Obama a annoncé environ 8 milliards de dollars en garantie de prêts pour entamer la construction de la première centrale nucléaire américaine aux Etats Unis depuis près de 30 ans. Et Barak Obama a fait cette annonce justement à Lanham dans le Maryland. Cependant cette centrale sera construite non dans le Maryland mais en Géorgie. Ce dispositif s'appuie sur une loi de 2005, promulguée par George W. Bush, qui autorise le département de l'Energie à garantir des prêts pour des projets privés réduisant les gazes à effet de serre. Cette même loi dont dépend la réussite du projet de Calvert Cliffs puisque sans garanties étatiques pour les assurances aucun prêt n'est accordé. D'autre part Constellation menaçait de ne participer à sa construction qu'à hauteur de 25 % et non 50 % comme annoncé dès le départ.
EDF semble-t-il s'est brulé les ailes pour avoir cru pouvoir s'approcher si près du soleil nucléaire américain. Ce qui pourrait consoler EDF dans l'abandon forcé de son projet de rêve américain est l'instabilité de l'environnement législatif concernant la politique énergétique aux Etats Unis. En effet, le Sénat vient de repousser l'examen de l'American Clean Energy and Security Act qui a été voté par la chambre des représentants en 2009 mais dont l'examen vient d'être ajourné par le sénat faute d'une majorité de 60 voix. Il s'avère donc que le nucléaire n'est pas si bon marché que cela étant donné le bas prix des énergies fossiles, du fait notamment de la découverte de grandes réserves de schiste dont on peut extraire un gaz et qui pourrait constituer 50 % de la production des énergies fossiles d'ici 2040. Le nucléaire serait devenu une énergie plus rentable si cette loi avait été adoptée puisqu'elle aurait eu pour conséquence d'alourdir le prix des énergies fossiles. En effet le principe de ce projet de loi est de réduire l'émission de gaz à effet de serre en établissant un droit à polluer limité, sanctionné par des pénalités financières en cas de non-respect.
Enfin, en 2009 Henry Proglio a remplacé Pierre Gadonneix l'initiateur du projet, et il apparaitrait que celui-ci voudrait délaisser les Etats-Unis au profit de pays émergents. Des rumeurs ont également circulées sur le fait que l'Elysée aurait fait pression sur EDF pour qu'elle abandonne le projet. Rumeurs démenties des deux côtés bien entendu.
Clémence Le Chatelier