Après Radiohead, voici le deuxième artiste dont deux disques font désormais partie de ma sélection d'indispensables. Il s'agit donc de Brian Eno dont le nouvel album devrait sortir début novembre sur le prestigieux label Warp. De Eno, je ne suis pourtant pas admirateur de toute la discographie. Non, en fait, presque seulement de ce qu'il a pu produire dans les années soixante-dix, que cela soit avec Roxy Music, en solo bien sûr, avec Bowie ou les Talking Heads à la toute fin de la décennie. Comme pour Bowie d'ailleurs, ces années-là demeurent l'apogée de son inspiration, avec un nombre non négligeable de très grands disques voire de chefs d'oeuvre. Et s'il fallait n'en garder que deux, ce serait donc "Here Come The Warm Jets", bien encore dans l'esprit glam-rock de sa première formation et dont maman vous a déjà parlé ici et ce "Before And After Science" donc. Ce dernier aurait tout aussi bien pu s'appeler "Avant et après la pop", tellement il représente une formidable passerelle entre les douces mélodies pop facilement sifflables ("Backwater", "Here He Comes" ou "King's Lead Hat") et les climats plus éthérés ("Julie With" ou "Spider And I") proches d'un nouveau genre musical, l'ambient, dont on le proclame souvent comme le père spirituel. Tout cela pourrait résonner de façon purement classique et ennuyeuse, mais c'est une fois de plus sans compter sur l'élégance à toute épreuve du monsieur, capable à partir de rien ou de pas grand chose, quelques légères notes de piano répétées à l'envie, quelques phrases bien senties, de pondre des chansons bouleversantes.
"By This River", par exemple, en est une. Un de ces titres éternels qui nous suivent toute une vie ou presque. Un morceau que j'ai pourtant découvert tardivement, en même temps que l'artiste finalement, lors de la sortie du film "La chambre du fils" de Nanni Moretti, palme d'or au festival de Cannes en 2001. Le père, "orphelin" de son fils, se console en achetant ce disque. Il n'en faut pas plus, la musique fait le reste. Les images venant d'elles-même, toutes représentations concrètes de la douleur et de la peine, deviennent d'un coup superflues. Une musique qui, avant d'être expressément écrite pour les aéroports ("Music For The Airports" en 1978) nous fait déjà voyager. Intérieurement. Et l'expérience nous montre que ce sont souvent les plus beaux voyages.