J’étais un jeune reporter photographe, comme plusieurs centaines d’autres, venu dans ce pays lointain pour photographier ma première guerre, naïf, un peu téméraire et sans pratiquement aucune idée de ce qui m’attendait. A l’époque, les Talibans régnaient sur tout le pays ou presque. Seule une petite bande de territoire montagneux au Nord – entre le Tadjikistan et la vallée du Panshir – était contrôlée par l’opposition, l’Alliance du Nord.
En allant au Sud, vers la ligne de front, on avait l’impression de remonter le temps. Des routes étroites, des défilés profonds et des gens en haillons, l’un avec des lunettes de soleil auxquelles il manquait un verre, l’autre auquel il manquait un bras, ou une jambe, des points de contrôle improvisés avec une simple corde en travers de la route. Pas d’électricité, pas de téléphone, pas d’Internet. Une nuit d’un noir d’encre et les étoiles les plus brillantes que j’aie jamais vues. L’Afghanistan que je connais est une terre de contrastes tumultueux, de beauté brute, un paysage balafré par des siècles de guerres contre les armées étrangères et les ennemis de l’intérieur.
Depuis 2001, j’y suis retourné encore et encore dans l’espoir de rendre compte de la promesse de paix et de prospérité faite par les dernières puissances envahissantes. J’ai rapidement compris la fragilité de cette promesse et j’ai trouvé l’Afghanistan face à un précipice, sa chute libre vers l’anarchie gagnant de la vitesse dans tout le pays et plus seulement confinée aux provinces de langue pachtoune d’où sont originaires les Talibans et où ils demeurent retranchés.
La détérioration de la sécurité me semble tout autour de moi plus évidente à chaque nouvelle visite : c’est une autre route qu’il devient dangereux d’emprunter, c’est le labyrinthe de murs explosés qui entourent Kaboul, c’est le regard intense et hostile d’un enfant innocent. Pour la population locale, la paix et la stabilité sont un rêve qui s’éloigne et non la promesse durable dans laquelle leurs espérances trouvent refuge. Pourtant, je continue à me sentir attiré par cette terre remarquable, et par son peuple, par cette fierté inégalée d’être afghan et par cet éclair de dignité et de force d’âme que je perçois chez la plupart de ceux que j’y rencontre, déterminés à continuer quels que soient les ravages de leur existence.
L’interview réalisée par Marie Julliard et Martial Roche (ESJ Paris) pour le blog du Prix Bayeux-Calvados 2010 :
http://www.vimeo.com/15688030
Informations pratiques
Moises Saman, Afghanistan : la promesse brisée
Exposition du 4 au 31 octobre 2010
Tapisserie de Bayeux, Chapelle
Ouvert tous les jours de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h
Entrée libre