Réponse : L'expression « insurrection environnementale » est venue de la bouche de pantins qui n'ont jamais mis ni les pieds ni les mains dans la soude, c'est une jolie petite formule pour livre d'Histoire pour les nuls. Kolontar a surtout marqué le point de départ de la ROUILLE, une convergence de contestations jusque là très diffuse et fragmentée. Kolontar nous a offert la visibilité qui nous manquait, notre 11 septembre en quelque sorte.
Q : Quel a été l'enjeu de la négociation qui a précédé le dynamitage des cuves ?
R : Il n'y a pas eu de négociation. Simplement une alerte qui n'a pas été relevée par les officiels de l'époque. Notre but a toujours été la contamination du territoire. Nous n'avions rien à demander en échange.
Q : On a longtemps entretenu la rumeur d'une demande de quitter l'Union Européenne, qu'en est-il exactement ?
R : L'Europe était déjà crevée, elle ne nous intéressait pas.
Q : La catastrophe écologique qui a résulté de cette action était-elle un objectif déterminé ou un dommage collatéral ?
R : Comme je l'ai dit, notre but était de contaminer le territoire. Beaucoup de membres de la ROUILLE, présent à l'époque ou qui s'apprêtait à nous rejoindre après Kolontar, étaient de grands fans de littérature et de cinéma de science-fiction apocalyptique. L'idée est venue de là. Et Tchernobyl était notre modèle. Le monde fonctionnait de cette façon. Chaque territoire est préservé à cause de sa valeur marchande. Après Tchernobyl, tout le monde a déserté la zone et la zone est devenue parallèle, libre à être investie, un Eden radioactif sans contraintes. Ou plutôt si : la zone était barricadée par la milice gouvernementale. Nous fallait donc reproduire le schéma Tchernobyl, mais ailleurs, trouver une zone prête à être investie rapidement et qu'on ne pourrait pas nous refuser.
Q : La cible Kolontar a donc été choisie...
R : Exactement.
Q : Pourquoi là-bas plutôt qu'ailleurs ?
R : A cause de la proximité du Danube. C'est tout ce que je peux en dire.
Q : C'était surtout une position centrale en Europe de l'Est qui permettait de mettre en place l'activité de piraterie de la ROUILLE, non ?
R : C'est tout ce que je peux en dire.
Q : N'aviez-vous pas peur d'établir votre camp de base à Kolontar, ne craignez-vous pas la contamination du sol ?
R : Vous savez qu'on cultive maintenant des fruits et des légumes sur l'ancien site de Tchernobyl ? Que la vie animale a repris son cours ? Que la zone même est devenue une sorte de réserve naturelle spontanée pour une quantité d'espèces animales ? La réalité, ce qu'on veut nous faire croire, c'est que toute l'activité humaine est nuisible, nuisible à l'environnement et à l'Homme lui-même mais c'est faux. Il suffit simplement de bien connaître la composition chimique des éléments qui sont intervenus dans la contamination, savoir comment ils fonctionnent et comment ils se propagent. Nous avions avec nous des yeux très attentifs à la composition chimique du sol, de la faune et de la flore. Nous savions que nous ne risquions rien, à partir du moment où nous suivions spécifiquement leurs recommandations.
Q : N'y-a-t-il pas eu pourtant des cas de contaminations humaines parmi votre groupe ?
R : Nous sommes encore tous là aujourd'hui, n'est-ce pas ? Et puis, la couleur de la soude a redéfinit le paysage de façon miraculeuse. Je n'ai jamais vécu dans d'aussi beaux pays ni sur d'aussi belles terres qu'à l'époque de mon séjour à Kolontar. Grâce à la soude, grâce à la ROUILLE, les photos satellites prises de la région à cette époque et dans les mois, années, qui ont suivies, sont devenues les plus miraculeuses des oeuvres d'art. J'en garde encore des souvenirs spectaculaires.
Q : Est-ce l'amateur de science-fiction apocalyptique qui parle ?
R : C'est l'amoureux des belles choses qui parle.
Q : N'avez-vous jamais eu le moindre remord vis à vis des victimes des actions terroristes que vous avez organisées, à Kolontar principalement ?
R : Je n'ai jamais eu le moindre remord vis à vis des victimes de la soude. Tout le monde meurt, vous savez. Mais certains ont perdus des membres, des jambes ou des bras, je me souviens, et ça, c'est vrai, ce n'est pas bien. Tout le monde meurt un jour ou l'autre, moi aussi, ce n'est pas grave. Mais les mutilés, c'est autre chose...