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SALLE 5 - VITRINE 3 : LES CHATS - IV. A BASTET ASSOCIÉS ... (Première partie)

Publié le 12 octobre 2010 par Rl1948

   Il me semble l'heure venue à présent, après vous avoir proposé, le 21 septembre, une première introduction sur le sujet en retraçant les origines possibles de ces petits félins, puis, le mardi suivant,  vous avoir donné à lire des textes d'auteurs anciens à propos de l'amour que leur vouaient les Egyptiens, et enfin, la semaine dernière, vous avoir entraînés dans quelques arcanes patronymiques, d'entamer véritablement l'évocation des figurines de chat que nous présente la vitrine 3 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.

Vitrine 3 - Devant

  (Un merci tout particulier à la conceptrice du blog Louvreboîte pour l'amabilité et la célérité avec lesquelles, à nouveau, elle a réalisé "sur commande"quelques gros plans de ce bloc vitré.)

   Il ne relève évidemment pas du hasard que, parmi ceux qu'elle mit à ma disposition, j'aie d'emblée choisi ce cliché car je voudrais dès aujourd'hui, amis lecteurs, prendre prétexte des quatre pièces de l'avant-plan, et plus spécifiquement, dans un premier temps, de la pénultième, en partant de la gauche, inscrite dans l'inventaire sous le numéro N 3930,

N 3930

simplement parce que sur son socle court une invocation à Bastet pour, dans la suite logique de ma précédente intervention consacrée à l'onomastique, quelque peu évoquer cette déesse.

   De sauvage, puis domestique qu'il fut au point de départ, le chat devint vite aussi, en Egypte antique, un animal sacré, révéré : c'est sur cet aspect particulier qu'il m'agréerait ce matin d'attirer votre attention. 

   ... des fouilles de sauvetage à Alexandrie, zone archéologique,  également sous la responsabilité de Mohamed, (...) ont révélé l'existence, jouxtant le site de Kom el-Dikka, du plus grand temple ptolémaïque connu jusqu'à présent dans cette mégapole de l'Antiquité : un "Bubasteion", sanctuaire de la déesse Bastet, dans lequel plusieurs cachettes remplies de centaines de statues de chattes allaitant viennent d'être mises au jour.


   C'est dans le trente-huitième et  ultime chapitre de ses mémoires publiées en avril dernier que l'égyptologue française Dominique Valbelle, évoquant le travail de Mohamed Abd el-Maksoud, un de ses anciens et brillants étudiants à l'Université Charles-de-Gaulle-Lille III, devenu Directeur des Antiquités pharaoniques de Basse-Egypte et du Sinaï, fait allusion à une récente et importante découverte relayée par la presse scientifique et le journal Le Monde, dans son édition du 19 janvier 2010 : il y est stipulé que quelque 600 statues d'époque grecque, de toutes tailles et de toutes factures, dont plusieurs à l'image de Bastet, la déesse de la joie et de la maternité, au visage de chat

Bastet - Alexandrie (Journal Le Monde)

ont ainsi été mises au jour par une mission de fouilles égyptienne dirigée par M. Abd el-Maksoud dans les ruines d'un temple datant du IIIème siècle avant notre ère, attribué à la reine Bérénice, épouse de Ptolémée III Evergète.

Temple Alexandrie

   Vous aurez très certainement remarqué, amis lecteurs, que dans son texte, madame Valbelle emploie un terme particulier pour désigner le sanctuaire nouvellement découvert à Alexandrie : Bubasteion.

Qu'entend-elle exactement par là ?

   En fait, dans le landerneau égyptologique, la connotation est flagrante : il s'agit d'une désignation tardive d'un promontoire formé par une falaise, à Saqqarah, au sud-est de la pyramide de Téti, dans laquelle, de nombreux tombeaux rupestres du Nouvel Empire ont été réutilisés à la Basse Epoque en tant que catacombes réservées à des chats.

Falaise du Bubasteion

    Réutiliser constitue bien le verbe approprié. Car il faut en effet prendre conscience, au risque de mener la vie dure à bien des idées reçues, que ce n'est qu'à l'extrême fin de l'histoire égyptienne proprement dite, à savoir dans la seconde moitié du premier millénaire avant notre ère, que la coutume s'imposa, essentiellement dans un esprit cultuel, de momifier, puis d'enterrer ces adorables félidés.

   Ainsi, exemple caractéristique de remploi : la tombe de Maïa, la nourrice du bébé Toutankhaton, pas encore Toutankhamon, dans laquelle une équipe de la Mission archéologique française du Bubasteion (MAFB) dirigée par l'égyptologue grenoblois Alain Zivie constata, en 2001, après les avoir complètement dégagées jusqu'au niveau du sol, que les trois chambres de l'appartement funéraire offraient de très nombreux  petits coffres et sarcophages en bois renfermant des chats momifiés. 

   N'attendez pas de moi, amis lecteurs, d'être peu ou prou renseignés sur la quantité de momies  félines que le Bubasteion a pu contenir : le dénombrement se révèle tout à fait impossible pour diverses raisons dont la première relève des nombreux dommages que le site a subis depuis l'époque gréco-romaine : naturels, avec tout à la fois les infiltrations d'eau et les incendies, mais aussi - et ce ne sont probablement pas les moindres - humains, avec les  pillages successifs dont il fut l'objet. Auxquels il n'est pas négligeable d'ajouter, pour le XIXème siècle, l'exportation de momies vers l'Europe, essentiellement la Grande-Bretagne où, finement broyées, elles servirent d'engrais pour amender les terres cultivables : Messieurs les Anglais, broyez les premiers !

     Ceci posé, me rétorquerez-vous, le terme Bubasteion dont fait usage madame Valbelle n'est toujours pas plus explicité !

   Patience, Patience, j'y viens ...

   Parce qu'en très grande quantité, les sépultures de chats de Saqqarah firent, à leurs inventeurs, immédiatement penser à celles, connues déjà, de la nécropole d'une cité située au nord-est du Caire actuel, dans le Delta oriental, au confluent de deux branches du Nil ; cité qui avait été à l'Antiquité chef-lieu d'un nome de Basse-Egypte, le dix-huitième et, historiquement plus important, la capitale du pays à la XXIIème dynastie, parce que fief de la famille des rois libyens Osorkon qui occupèrent un temps le trône d'Egypte. 

     Le nom que les Egyptiens lui donnèrent, Per Bast, devint Bubastis pour les Grecs ; Per Bast, j'oublierais presque de le souligner, signifiant "Maison de la déesse Bastet". 

   A partir de ce toponyme dérivé du nom d'une divinité-chat, pour désigner un cimetière où furent là aussi enterrés des milliers et des milliers de félins, en quelque sorte sacralisés par procuration, comme l'expliquait A. Zivie à des collègues pragois en 2000,  les Grecs créèrent  le terme Bubasteion.

   Voilà donc début de réponse à votre questionnement, amis lecteurs, mais il convient à présent de quelque peu préciser ces notions.

   Que diriez-vous, pour une seconde intervention, de nous retrouver ici, devant la vitrine 3 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, à la même heure, samedi prochain ?    


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