C'est le conseil de Robert Reich, qui recommande d'éviter la recherche de boucs émissaires notamment chinois.
De fait, c'est devenu maintenant une facilité : tous les maux de l'économie internationale sont dus au yuan. Reich explique que c'est également l'assèchement de la demande intérieure qui a causé les déboires américains.
Il met cet assèchement sur le compte d'une hausse des inégalités - il remarque qu'en 1928 comme en 2007 le revenu du 1% supérieur des américains est à son maximum.
Il oublie ce faisant, que cette concentration des richesses ne s'est pas faite du seul fait de l'égoisme des "riches".
C'est bien l'option de la libéralisation des échanges commerciaux et monétaires qui a provoqué les problèmes et c'est de réformes dans ce domaine que proviendra la solution :
1. la libéralisation du commerce a permis aux actionnaires et à ceux qui travaillent pour eux (dirigeants et cadres supérieurs, publicitaires, experts comptables, avocats...) de s'enrichir en vendant à prix américain des produits payés avec des salaires chinois, vietnamiens ou mexicains (Apple, Nike sont des archétypes) ;
2. Comme les travailleurs de la classe moyenne américaine ont été exclus de ce système, car eux perdaient leurs jobs, la libéralisation financière a permis de leur faire croire, à coup de surendettement, que le libéralisme commercial jouait aussi en leur faveur ;
3. Au moment où le système atteint deux fois ses limites - la classe moyenne américaine ne peut plus rembourser, les classes dirigeantes américaines se rendent compte que les chinois savent aussi créer des groupes multinationaux, menaçant les positions des dirigeants et cadres sups - une union sacrée est prononcée sur le dos des chinois.
4. Là où Reich est à mon avis un peu court, c'est qu'en n'expliquant pas la logique qui a mené à une explosion des inégalités, on ne voit pas bien par quel miracle ces inégalités diminueraient.
5. Paul Krugman montre par ailleurs qu'en réalité l'état américain, même au plus fort de la crise, n'a pas réellement augmenté ses dépenses. On pourrait donc jouer sur l'investissement public, mais si c'est pour relancer l'importation d'Ipod, d'Ipad et de Nike Air, c'est reculer pour mieux sauter.
6. Ce qui élèverait les salaires de la classe moyenne, aux Etats-Unis et en Europe, c'est de produire de la valeur ajoutée (désolé pour les gros mots), et pas de cliquer sur Google ou de rêver à une e-economie débarassée du fardeau de la production de biens matériels (comme si les chinois étaient voués éternellement à jouer le rôle du pue-la-sueur).
7. Ce qui permettrait le redéveloppement d'une activité industrielle, c'est un juste échange. Un vrai. Pas les voeux pieux du PS, un vrai juste échange. C'est à dire des monnaies justement évaluées (pour les français, cela suppose une réévaluation du yuan, mais aussi du dollar et du mark). C'est à dire aussi des taxes frappant les biens produits, à l'étranger, dans des conditions sociales qui vaudraient ici la prison aux employeurs : un ballon produit par des enfants ou par des salariés sans couverture médicale serait également taxé.
8. Comme il n'y a pas de raison de gifler la Chine après avoir bénéficié de la sueur de ses travailleurs (qui n'a pas acheté un Ipod ou autre gadget fariqué en Chine à la moitié ou au tiers du prix qu'il aurait dû payer si les travailleurs chinois bénéficiaient de conditions sociales décentes ?) ; il conviendrait de n'introduire ces taxes qu'à travers un calendrier progressif portant sur 5 à 10 années. En échange de cette progressivité, la Chine pourrait accepter de réévaluer progressivement sa monnaie. Et les Etats-Unis d'accepter enfin de travailler à la mise en place d'une monnaie de réserve internationale.
9. Ces propositions, pour être crédibles, doivent être prises dans un cadre national. Elles peuvent l'être, par des pays désireux de montrer l'exemple. Passées à la moulinette de l'OMC ou de l'Union européenne, elles n'ont aucune chance d'arriver en temps utile. Il faut, pour jouer ce jeu, pour emprunter cette voie médiane, un pays qui ne soit pas les Etats-Unis - trop accrochés aux facilités de la manipulation du cours du dollar ; ni la Chine, qui croit arrivé le temps de sa revanche définitive ; ni l'Union européenne, qui est un ectoplasme politique. Un pays européen libéré du carcan des 27 ferait l'affaire... Oui, j'ai un nom en tête.