Beauchemin nous présente son plus récent récit autobiographique, une autofiction, mais comme il le mentionne dans sa note de l’auteur, une fiction à propos d’un authentique soi-même ? La biographie d’un moi fictif ? Mais la vraie question est peut-être au fond celle-ci : le souvenir fait-il toujours bien son travail, qui est de réparer ce que le réel avait abîmé ?
Rappel d’une jeunesse heureuse dans ce bungalow de Laval, cette minuscule chambre où se réunissaient à toute heure du jour six petites personnes impatientes où le goût du savoir était dispensé par les écrits. «L’essentiel de mon enfance tient dans ces détails minuscules : le rosbif raté du dimanche, Bach qui met le feu à la maison, mes frères et ma sœur à table qui pissent de rire, ma mère contente malgré tout, et surtout mon père enfin heureux, momentanément en paix avec lui-même.» Ce paternel que l’on découvre, ce père qui, au fil des ans, ses enfants apprendront à connaître «Nous dûmes pourtant l’admettre un jour que nous admirions cet homme d’un autre temps, ce faux lettré, ce cœur d’or à l’esprit égaré. Ce n’était pas toutefois l’admiration que l’on voue au héros».
Beauchemin, récidive encore avec ce souvenir d’enfance, cette plume qui lui est si particulière ; une cérémonie quasi religieuse, une introspection méditative, qui procure à chaque page un apaisant bien-être intérieur, ce questionnement de l’âme humaine qui lui est si particulier. Du Beauchemin comme on le connaît, fidèle à lui-même, un propos très dense, une écriture poétique toujours élogieuse du mot juste.
«Je savais qu’il est normal pour un homme de souhaiter s’aventurer hors des domaines connus de la durée et de l’espace, de sentir en lui le goût d’explorer davantage que ce que lui accorde sa naissance : c’est le signe le plus vrai que cet homme-là est encore dans la vie.»