C'est une journée de juin dans le Londres des années vingt et Clarissa Dalloway, une femme élégante d'une cinquantaine d'années, prépare une fête et, au fil de ses préparatifs, se remémore sa jeunesse, et réfléchit au cours qu'aurait pu prendre sa vie. Le lecteur suit également Septimus Warren Smith, un ancien combattant souffrant d'un choc post-traumatique, victime d'une dépression et sujet à des hallucinations, ainsi que sa femme, complètement dévastée par son impuissance et sa solitude face au mal qui ronge son mari.
C'est une journée, donc, qui s'étend sur environ deux cents pages, et rythmée par les coups de Big Ben : heure par heure (le titre original était d'ailleurs "The Hours"), le lecteur est balloté entre les pensées de Clarissa Dalloway, et celles, beaucoup moins cohérentes, de Septimus. Il est vrai que c'est très déconcertant, car l'on passe sans transition de l'un à l'autre, et que le "courant de conscience" n'est pas toujours des plus faciles à lire. Cette absence de transition, de découpe en chapitres, donne l'impression d'un récit sans interruption, lu d'une traite, comme si l'on nageait sans reprendre sa respiration, ce qui donne une impression de claustrophobie, pour les lecteurs qui sont habitués à un type de récit plus traditionnel.
Les pensées de Clarissa tournent principalement au sujet de l'amour : a-t-elle eu raison d'éconduire Peter Walsh et d'épouser Richard Dalloway? Alors même qu'elle se pose la question, le fameux Peter Walsh revient d'Inde et lui rend visite, ce qui n'est pas très crédible, mais permet au lecteur de découvrir ce personnage ailleurs que dans les souvenirs de Virginia. L'impression qui en ressort est d'ailleurs assez désagréable. Quant à Septimus, c'est une vraie plongée dans un esprit détruit : Virginia Woolf, comme beaucoup d'auteurs parmis lesquels T.S. Eliot ou Céline, dénonce par ce biais les atrocités de la guerre. D'ailleurs, beaucoup de thèmes abordés dans ce livre ne sont pas anodins : le thème du suicide est par exemple très important, d'autant plus que c'est ainsi que Virginia Woolf décéda en 1941. De même, la psychologie des personnages est très importante : l'on peut en effet voir la double-incidence des théories freudiennes influant énormément sur le roman, et les propres troubles mentaux de Virginia Woolf, qui était vraisemblablement bipolaire, et sujette à la dépression. La vie, la mort, les choix que l'on fait, sont autant de sujets évoqués par "Mrs Dalloway", de même que l'évolution des moeurs à l'orée du XXème siècle.
Alors, finalement, comment comprendre cet engouement pour Virginia Woolf? Certains arguent que son style poétique, son innovation en matière de roman, font d'elle l'un des auteur les plus importants du XXème siècle, ce qui est assurément vrai. Cependant, on aime, ou on n'aime pas. Personnellement, je dois vous avouer que j'ai souvent décroché, et que le monologue intérieur de Clarissa me perdait facilement en chemin. Si je reconnais que l'aisance avec laquelle la narration passe d'un souvenir à un autre imite parfaitement la manière dont fait un cerveau humain témoigne du génie de Virginia Woolf, je n'ai pas été pleinement séduite par ce roman.