Préemption et activité de l’acquéreur évincé conforme à l'objectif poursuivi par la décision de préemption

Publié le 03 janvier 2008 par Christophe Buffet

Le fait que l'activité de l'acquéreur évincé est elle-même conforme à l'objectif poursuivi par la collectivité qui a motivé la décision de préemption n'est pas de nature à rendre illégal cette décision de préemption :

« Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521�1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ( ) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; que selon l'article L. 210�1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l'article L. 300�1 ( ) » ; qu'aux termes de l'article L. 300�1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets ( ) d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme ( ) » ;

Considérant que, pour suspendre, à la demande des sociétés Pierre et Vacances Promotion Immobilière et Courchevel 1650 Loisirs, acquéreurs évincés, les décisions du 23 avril 2007 par lesquelles le maire de la COMMUNE DE SAINT�BON TARENTAISE a exercé le droit de préemption de la commune sur trois biens faisant partie d'un même ensemble immobilier, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ces décisions les moyens tirés de ce qu'elles ne permettaient pas de poursuivre les objectifs visés aux articles L. 210�1 et L. 300�1 du code de l'urbanisme dès lors, d'une part, que la société Pierre et Vacances Promotion Immobilière a acquis les fonds de commerce alors que la commune ne sera, au terme de la procédure de préemption, que propriétaire des murs, et, d'autre part, que l'activité touristique de cette société est conforme à l'objectif poursuivi par la commune ;

Considérant, en premier lieu, que la légalité d'une décision de préemption s'apprécie à la date à laquelle cette décision a été prise ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'acquisition des fonds de commerce a été réalisée par un acte sous seing privé signé le 30 avril 2007, soit postérieurement aux décisions de préemption ; que, par suite, en tenant compte de cette acquisition pour apprécier la conformité des décisions de préemption aux objectifs visés aux articles L. 210�1 et L. 300�1 du code de l'urbanisme, le juge des référés a commis une erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que l'acquéreur évincé exercerait une activité conforme à l'objectif poursuivi par la décision de préemption est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, en prenant en compte l'activité touristique de la société Pierre et Vacances Promotion Immobilière pour apprécier la légalité des décisions de préemption, le juge des référés a commis une autre erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance en date du 11 juin 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que l'acquéreur évincé a acquis les fonds de commerce de l'ensemble immobilier faisant l'objet de la décision de préemption et la circonstance que l'acquéreur évincé poursuivrait le même objectif de maintien de l'activité hôtelière que la commune, invoquées par les sociétés Pierre et Vacances Promotion Immobilière et Courchevel 1650 Loisirs à l'appui de leur demande de suspension des décisions de préemption du 23 avril 2007, ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ces décisions ;

Considérant, d'autre part, que les sociétés Pierre et Vacances Promotion Immobilière et Courchevel 1650 Loisirs soutiennent également que le maire de la COMMUNE DE SAINT-BON TARENTAISE n'avait pas de délégation du conseil municipal pour exercer le droit de préemption au nom de la commune et que les décisions de préemption n'étaient pas motivées par un projet suffisamment précis et certain ; qu'aucun de ces moyens n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions de préemption du 23 avril 2007 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les demandes de suspension présentées par les sociétés Pierre et Vacances Promotion Immobilière et Courchevel 1650 Loisirs devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble doivent être rejetées, y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'elles présentent au titre des dispositions de l'article L. 761�1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Pierre et Vacances Promotion Immobilière et Courchevel 1650 Loisirs le versement à la COMMUNE DE SAINT-BON TARENTAISE de la somme de 2 500 euros chacune au même titre ».

(Conseil d’Etat 3 décembre 2007)