“…jusqu’à l’architecture de son siège, immeuble de verre sans secret, vitrine illuminée aux lumières des métamorphoses « in » de l’appareil. Formation de compromis entre la séduction et l’ère révolue de la révolution, le Parti communiste joue simultanément des deux cartes se condamnant avec obstination au rôle de séducteur honteux et malheureux. » G. Lipovetsky – L’ère du vide in « Séduction non-stop” – 1997
Bien lesté par les lourdeurs de l’histoire, on pénètre dans le Saint des Saints, suivant des traces profondes d’une mémoire chargée et glorieuse. On entre dans le bâtiment d’O. Niemeyer place du Col. Fabien, à reculons, rivé sur le XXe siècle. Tout y contribue, une atmosphère plombée, un ciel d’acier, des camarades qui déambulent le regard léthargique. Pourtant, il faut faire face, sortir des clichés, lâcher la rampe, s’affranchir de ce que l’on imagine être une mystique. Pour y rencontrer P. Laurent le récent Secrétaire général du Parti communiste français. Personnage énigmatique, peu connu sinon comme fils de, en charge d’un fort héritage, et d’idées qui dit-on, sont sur le déclin.
Une heure d’échange où l’on mesure un déphasage. Celui qui existe entre la préparation dans un café cossu pour la gentry du centre de Paris et l’entretien en question. L’idée première était de lancer la discussion sur une phrase de l’ancien premier ministre de droite, J.P. Raffarin. Dans Libération 1er octobre 2010 celui-ci déclarait que “Face à la crise, les citoyens réagissent de manière plus individuelle. Les solutions collectives n’apparaissent plus comme efficaces, mais si les idéologies sont fragilisées, les valeurs restent vivantes.”
Une bonne entame pour parler du communisme, des utopies perdues, et de la marche du monde. Une bonne entame pour parler de l’idée de partage, de changement de société. Mais refus d’obstacle, préservation aussi, d’une certaine intégrité dans un lieu symbolique. Impossible d’évoquer l’homme du service marketing de Jacques Vabre, celui des aphorismes ridicules tels que “La route est droite, mais la pente est forte” et “To Win the Yes needs the No to win against the No !”. Renoncement en forme d’éthique molle, hygiène intellectuelle de gauchistes et de coquetterie (sûrement malvenue). On se dirige alors paisiblement vers un entretien où P. Laurent prend le temps d’exposer ses vues. C’est ce qui suit :
- “L’idée communiste a de l’avenir dans le XXIe siècle”
- “Le grand affrontement actuel entre N. Sarkozy et la société française c’est sur la remise en cause d’un modèle social qui a été invité à la libération par le Conseil National de la Résistance et dans lesquels les communistes avaient pris une part importante.”
- “Quand Sarkozy fait sa sortie sur les Roms cet été, il croit qu’il fait un bon coup”
- Quartiers populaires – “On a perdu des batailles, on en gagnera d’autres”
- Retraites – “Ce n’est pas 3 millions de personnes qui ont manifesté, c’est beaucoup plus que ça”
- Retraites des femmes – “La réforme gouvernementale totalement inadaptée. Une réforme qui ne sauve pas le système. Une réforme qui amplifie les inégalités”
- Retraites et Sarkozysme – “Ils ont cru à son discours sur la revalorisation du travail”
P. Laurent annonce que sa mandature comme secrétaire national ne sera pas la dernière du Parti communiste. Le parti a un avenir, les idées qu’il porte aussi. Selon lui, la difficulté essentielle réside dans la mise en adéquation avec le peuple. La manière d’y parvenir ne semble néanmoins pas très claire. Sera-t-il le 3e personnage de transition après G. Marchais ? Un régent supplémentaire préposé à la mémoire des luttes. Veilleur symbolique d’un électorat peau de chagrin. Ou sera-t-il l’architecte d’un nouvel élan communiste, enfin dépouillé des expériences catastrophiques, affranchi de ses épais murs de béton du XXe siècle ?
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Vogelsong – 10 octobre 2010 – Paris