Bien sûr la presse retient essentiellement la mort d’un Nobel Français dans un domaine où notre pays n’a pas souvent brillé au Panthéon Suédois : l’économie. Mais Allais était aussi un physicien et quelque part un philosophe. Il n’était pas absent des polémiques, récupérés par les uns au même titre que d’autres le bannissaient.
Polytechnicien, ce brillant scientifique est venu à l’économie à cause de la grande crise de 1929 qui l’interpella dans sa jeunesse.
« Ma passion pour l’économie, je la dois aux circonstances, aux questions posées par la Grande Dépression dans le monde et par les troubles sociaux de 1936 en France, aux obstacles insurmontables rencontrés à l’époque pour me consacrer à la physique, et enfin aux implications de la seconde guerre mondiale. »
Nous retiendrons, pour notre part, sa très forte défiance vis-à-vis des dérives de la mondialisation . Il n’y a pas si longtemps il s’insurgeait :
«La mondialisation ne peut qu’engendrer partout instabilité, chômage, injustices, désordres et misères de toutes sortes, et elle ne peut que se révéler finalement désavantageuse pour tous les peuples»
Ainsi ces idées, caricaturées, furent reprises par le FN en recherche de cautionnement économique. Il avait longuement développé des thèses pour éviter la « casse » de l’industrie et de l’agriculture Française en dénonçant les méfaits du libre-échange , responsable pour lui de l’accroissement du chômage dans les pays socialement développé et en particulier en France.
Il contestait l’idée que le développement incontrôlé du commerce mondial soit bénéfique à tous les pays. Contestation basée sur une analyse statistique des courbes de croissance et de chômage en France entre 1950 et 2000.
Il alla jusqu’à proposer une réforme rétablissant les préférences régionales au sein du commerce international lorsqu’un écart de salaire est aussi extrême qu’un rapport de un à six par exemple.
Dissertant sur les coûts il énonçait la fameuse métaphore de Calais :
« Combien coûte un passager monté à Calais dans le train pour Paris ? ».
* Un contrôleur estimera que la consommation de ressources supplémentaires n’est pas vraiment chiffrable, et sera tenté de répondre presque rien (coût marginal nul).
* Le chef de train sera plus mesuré : si soixante passagers font comme lui, il faut ajouter une voiture au train. Il sera donc tenté d’imputer 1/60e du coût de la voiture pendant le temps du transport.
* Le chef de ligne ne l’entend pas de cette oreille : on ne peut pas ajouter indéfiniment des voitures à un train, et au bout de 20 voitures il faut doubler celui-ci. Il souhaite donc imputer pour sa part, en plus du 1/60e de voiture précédent, 1/1 200e du prix de la motrice et du salaire de son conducteur.
* Le chef de réseau n’est pas du tout d’accord : on ne peut pas multiplier ainsi les trains sans risque sur une même voie, et à partir de 50 trains par jour il est obligé de doubler la voie. Il ajoute donc pour sa part 1/120 000e du coût de la voie (toujours rapporté au temps du transport).
Par approximations successives on arrive à ce que doit être le coût minimal du billet pour que la compagnie ferroviaire ne se retrouve jamais dans une impasse. Cette métaphore du voyageur de Calais, illustre qu’on ne peut jamais proprement parler du coût d’un bien ou d’un service.
C’est bien un grand esprit, controversé mais Nobélisé, qui s’en va en pleine distribution des prix 2010. C’est ce lundi 11 octobre que le Prix Nobel d’Économie 2010 sera attribué à Stockholm. Comme tous les ans, de nombreux sites Internet se livrent à des pronostics: pour la seconde année consécutive, on trouve, parmi les candidats les plus crédibles, le nom d’un Israélien, le professeur Elhanan Helpman.