Un film de Woody Allen est toujours un bon moment de cinéma. Même si "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" ( un titre trop long et pas vraiment accrocheur ) n'est pas un chef-d'oeuvre, cette chronique douce amère et faussement désinvolte de la vie quotidienne est écrite de main de maître avec des dialogues savoureux et une interprétation qui l'est tout autant. Bien sûr, rien de nouveau par rapport aux opus précédents et un scénario qui reprend les thèmes favoris de leur auteur, soit la trilogie qui mène le monde depuis son commencement : le désir, l'amour et la mort, mais reproche-t-on à un écrivain d'écrire toujours le même livre ou à un compositeur de revenir sans cesse à la même configuration chromatique ? Woody Allen a toujours excellé à traiter des conflits familiaux, de pointer du doigt les ridicules humains et de dévoiler nos faiblesses, nos lâchetés et cet irrépressible besoin que nous éprouvons tous à nous illusionner sur nous-même. Une fois encore la sauce prend, tant les ingrédients ( s'ils ne sont pas nouveaux ) sont subtilement dosés. Je ne me souviens pas d'ailleurs d'être sortie d'une projection d'un de ses films, déçue ou dépitée. Ainsi que l'on se rend dans un restaurant pour goûter une cuisine dont on apprécié la saveur, j'entre avec appétit dans une salle de spectacle pour déguster un woody allen, sachant d'avance que le met ne manquera ni de caractère, ni de finesse, ni de piment... Et j'ajouterai, puisqu'il s'agit du 7e Art, de style. Ce qui fera toujours la différence entre un grand cinéaste et un fabricant de pellicule, c'est lui, le style, un style unique, inimitable, que l'on reconnaît d'emblée et qui est la signature des grands.
L'histoire est d'autant plus plaisante et bien rythmée que l'on suit le parcours de plusieurs personnages, attachants et bien campés, qui cherchent à donner sens à leur existence au milieu des aléas qu'ils rencontrent : ici un écrivain en panne de talent, là une cinquantenaire délaissée par son mari et qui devient accro d'une extra-lucide, ou encore une jeune femme qui aimerait tant que son boss s'intéresse à elle parce que l'on croit toujours que les rêves nous décevront moins que la réalité, enfin un mari pris de panique devant l'inéluctable vieillesse qui le guette et se trouve aux prises avec le démon de midi. Tout cela n'est certes pas follement original mais c'est follement bien ficelé, avec ce qu'il faut d'humour, de dérision et de cynisme, et des acteurs qui donnent à leurs personnages un ton si juste, une vibration si vraie, qu'ils ont vite fait de nous convaincre de la sincérité de leurs propos. Une mention spéciale pour la délicieuse Naomie Watts et pour Anthony Hopkins formidable dans le rôle d'Alfy.
Voilà un film qui ne révolutionnera pas le monde cinématographique mais qui a l'avantage d'être du cousu main, sans faux pli, et satisfera ceux qui aiment la belle ouvrage.
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