Les femmes de la famille de Bhanurai Jog se réunissent pour préparer un festin le jour de l’anniversaire de sa mort. Installées en rond autour d’un énorme tas de légumes, elles s’attèlent à la préparation du repas. La conversation s’engage et Malarani, une des nièces du défunt, prend la parole pour raconter la première histoire de la journée.
Huis récits s’enchaîneront en tout. Au menu, la résistance d’une bru face à sa belle-mère acariâtre, un fils expatrié qui revient passer un court séjour chez ses parents, ou encore cette maîtresse perfide cherchant à éloigner l’épouse légitime de son amant. Point commun à toutes ces histoires : la femme y tient une place centrale. Des portraits doux amers, parfois drôles, parfois plus graves qui plongent le lecteur au cœur de la famille indienne.
Bulbul Sharma montre à quel point il devient difficile pour la femme indienne de trouver sa place dans un pays en pleine mutation. Tiraillées entre le respect des traditions et de légitimes désirs d’émancipation, ses héroïnes ont surtout du caractère et n’hésitent pas à faire entendre leur voix. Jalouses, vénales, intrigantes, amoureuses, les femmes ne sont pas ici serviles et corvéables à merci. Au passage, les expatriés en prennent pour leur grade (cf. l’épisode du fils revenu d’Amérique qui est effrayé à l’idée de prendre du poids à cause des plats frits que lui prépare sa mère ou bien ce repas de famille au cours duquel on prépare un curry très peu épicé pour ne pas froisser l’estomac des expatriés ayant perdu l’habitude de la vraie cuisine indienne).
La nourriture tient une place important dans les différents récits, mais pas suffisamment à mon goût. L’odeur des épices n’est que trop peu présente et les recettes pas assez détaillées. Pour ce qui est des romans gastronomiques, on n’a rien fait de mieux pour l’instant (et à mon avis !) que Vie et passion d’un gastronome chinois de Lu Wenfu, ou encore, dans un autre registre, que le manga Le gourmet solitaire, de Jirô Taniguchi. Mais après tout peu importe, j’ai passé un excellent moment avec ces raconteuses d’histoires indiennes et c’est bien là l’essentiel.
Mangue amère, de Bulbul Sharma, éditions Ph ; Picquier, 2010. 168 pages. 16,50 euros.
L’info en plus : Bulbul Sharma est une adepte des « récits gastronomiques ». Son premier ouvrage publié en France, intitulé La colère des aubergines est en effet, dixit la quatrième de couverture, un recueil « d’histoires pleines d'odeurs de cuisine, puissamment évocatrices des rapports et des conflits entre les membres d'une maisonnée indienne ». Sorti en 1999, il est disponible depuis 2002 au format poche, toujours chez Philippe Picquier.