Interview – Françoise Degenne

Publié le 11 octobre 2010 par Pigut

Dans le cadre des rencontres de Pigut, je vous propose de découvrir Françoise Degenne.

Mon premier contact avec Françoise a eu lieu par email, elle découvrait PIGUT et me proposait une apparition en tant que blog à l’honneur dans le journal de l’Association Végétarienne de France. S’en sont suivis divers échanges très intéressants.

Traductrice, bénévole pour l’Association Végétarienne de France, Françoise ne chôme pas! Son enthousiasme, sa vision de la vie et sa bonne humeur communicative m’ont tout de suite séduite, j’ai donc voulu en savoir plus sur sa personnalité et son parcours.

Je vous invite à la découvrir à travers cette interview à laquelle elle a accepté de répondre avec la méticulosité qui la caractérise.

Françoise nous précise avec beaucoup d'humour qu'elle est moins rouge au naturel

Peux-tu te décrire et nous en dire plus sur ce qui te touche dans la vie en quelques mots?
Pour situer, j’ai la cinquantaine. Je vis avec mon compagnon depuis plus de 30 ans (!) et nous avons une fille étudiante. Nous vivons dans un village, où nous avons rénové un vieux bâtiment abandonné, curieusement il s’agit d’un ancien abattoir !!! Qui sait l’influence que cela a eu sur notre changement d’alimentation ?
C’est banal, mais c’est l’injustice qui me révolte le plus et je la perçois pratiquement partout. Mais on s’épuise à lutter sur tous les fronts. Alors depuis 6 ans, j’ai fait le choix d’oeuvrer à la promotion du végétarisme pour tenter d’amener de plus en plus de gens à épargner les animaux et à changer la perception que nous en avons. Je crois qu’un changement d’attitude envers son alimentation provoque une cascade d’autres changements, ou au minimum de nouvelles pistes de réflexion.

Tu es traductrice de profession, en quoi consiste ce métier, comment l’as-tu choisi?
Il m’a fallu un peu de temps avant de savoir « ce que j’allais faire ». Les langues (anglais et espagnol) m’ont toujours attirée et je ne voulais pas être prof. J’aime l’idée de faciliter les relations entre des personnes de langues différentes. J’ai un peu voyagé et j’ai pu constater comme c’était génial de pouvoir vraiment communiquer avec les gens, autrement que par gestes ou avec un vocabulaire limité. L’essentiel de mon travail n’est pas forcément très intéressant en termes de contenu, je connais des périodes très actives et d’autres plus creuses, mais je n’ai pas de patron et c’est très précieux !

Végétarienne depuis l’an 2000, comment en es-tu arrivée à faire le choix du végétarisme?
Ca, c’est une question qu’on me pose souvent. Il m’a fallu des mois avant d’en arriver à ce 31 décembre 1999 où j’ai annoncé à ma famille que désormais, la viande, c’était fini pour moi. En réalité, il m’a fallu 40 ans… J’ai toujours vécu à la campagne et j’ai vu des poulets égorgés, des lapins saignés, même des retours de chasse triomphaux ! (Oui, j’ai plumé des perdreaux et des cailles dans mon enfance) Et j’entends encore les cris poussés par ce cochon tué à coups de maillet par le boucher du village. Je devais avoir 8 ou 9 ans. Au début, j’ai cru que c’était un humain. Je me suis enfuie, j’étais bouleversée. Et je n’ai toujours pas compris pourquoi je n’avais jamais réussi à faire le lien entre ce moment épouvantable et la tranche de jambon du dîner. Je crois que je n’ai jamais imaginé qu’il était possible de ne pas manger de viande. Comme quelque chose qui n’existe pas.

Mais dans les années 90, à la maison, on en était arrivés à manger assez mal, toujours la même chose. Je n’avais plus envie de cuisiner. Je commençais à voir l’animal vivant derrière le morceau de viande et ça devenait assez perturbant. Mais végétarien ? J’en avais la représentation classique (le grand type maigre devant ses carottes râpées) et ça ne me faisait pas très envie. Je n’en avais jamais rencontré « pour de vrai ». Et un jour, lors d’un dîner entre membres d’une association, la personne qui nous recevait avait préparé un rôti de porc et une des invités a dit que « non merci, je ne mange pas de viande ». En fait, elle mangeait de la volaille et du poisson, mais peu importe. Le déclic pour moi, je crois, ça a été de constater que ça ne posait de problème à personne. Sa déclaration a été accueillie le plus naturellement du monde. Je n’en revenais pas. Et pour moi, c’est devenu une évidence : j’allais donc enfin pouvoir arrêter de manger des animaux. Et on ne me lyncherait pas ! Quel soulagement !

Quelles ont été les réactions de ton entourage face à ce changement?
J’avais prévenu que je ne voulais imposer mon choix à personne et que je continuerai à cuisiner « normalement ». Et au bout de 3 semaines, mon compagnon m’a dit qu’il voulait manger comme moi. Ma fille, collégienne à l’époque, a suivi au bout de très peu de temps. Nous sommes donc rapidement devenus une famille sans cruauté. Pour mes parents, ça a été un peu plus difficile à accepter et à comprendre. Il y a eu beaucoup de questions de posées, sur les protéines, les carences, etc. Je sentais de l’inquiétude et une certaine perplexité. Je sais bien que ce changement a remis pas mal de choses en cause, toute une histore familiale, mais nous ne sommes pas une famille de querelleurs. Avec le temps, tout s’est apaisé et je leur suis sincèrement reconnaissante de l’avoir toléré puis accepté et enfin presque adopté. Mes parents mangent maintenant du tofu et du seitan… Et ils adorent ma mousse au chocolat au tofu soyeux !
En ce qui concerne les amis, un certain tri s’est opéré assez naturellement. Pour certains, nous sommes devenus des empêcheurs-de-manger-tranquillement-en-rond, d’autres ont su faire les quelques efforts d’adaptation nécessaires, ont manifesté un certain intérêt, et surtout, ne nous ont ni jugés ni condamnés. Et quand on dit « Un de perdu, dix de trouvés », ça a parfaitement fonctionné. Nous avons perdu quelques amis carnivores et en avons gagné beaucoup avec qui nous partageons cette conviction fondamentale.

Comment s’est passé ta « conversion » vers l’alimentation végétale?
De façon assez classique, je suppose. Par exemple, ma première expérience de tofu a été un peu déconcertante. Pour tout dire, j’ai trouvé ça infect. Et puis j’ai appris qu’il fallait le faire macérer…
J’ai acheté un ou deux livres de cuisine et je me suis lancée !
J’ai vite compris qu’une alimentation ovo-lacto-végétarienne n’était pas satisfaisante sur le plan éthique, alors petit à petit, j’ai éliminé les yaourts, le beurre, le lait et le fromage de vache. Je consommais encore un peu de fromage de chèvre, mais c’est fini. C’est vraiment une histoire mentale. Je vois l’animal. Devant un morceau de fromage de chèvre, je vois le chevreau qui part à l’abattoir. Devant un morceau de comté ou autre, je vois la vache qui pleure le veau qu’on vient de lui enlever.
J’ai mangé des oeufs assez longtemps parce que nous avions construit un poulailler et adopté 5 poulettes naines, avec chacune son nom et… son caractère. Ce sont des créatures vraiment intelligentes. L’amie qui me les avait données m’avait prévenue : « ne sous-estime jamais une poule ! » Et effectivement, elles m’ont souvent surprises par leur inventivité. Elles sont mortes maintenant et les seuls oeufs que je consomme – rarement – sont ceux que me donnent des personnes « bien », qui élèvent leurs poules et ne les mangent pas.
J’adore découvrir des trucs nouveaux et je ne me décourage pas quand ça ne répond pas à mes attentes. J’aime bien cuisiner aussi, mon seul regret est de manquer de temps pour ça. Mais ça ne m’empêche pas d’acheter des livres de cuisine !!!
Quels seraient tes conseils pour ceux qui souhaitent se lancer également dans l’aventure végéta*ienne?
Foncez ! Allez-y ! C’est tellement génial d’avoir la conscience tranquille. Ne vous posez pas trop de questions (ça revient parfois à se chercher des excuses). Donc, essayez des aliments, des modes de cuisson, lisez les blogs, adhérez à l’AVF !!! Nous sommes là pour écouter, accompagner, conseiller, rassurer et encourager. J’admire les gens qui étaient végétariens il y a 60 ou 80 ans. Les choses ont tellement évolués que franchement, il n’y a pas à hésiter !

Tu es bénévole pour l’Association Végétarienne de France (AVF), quels sont tes rôles?
J’ai deux casquettes : une locale. Je représente l’association en Touraine, j’y organise des ateliers de cuisine (avec Anne Brunner, que tu dois connaître) et depuis l’an dernier, je tiens un stand au salon Fougère fin septembre. Les activités vont s’étoffer très bientôt car nous allons devenir « délégation », donc plusieurs personnes, et nous pourrons organiser plus de choses, ne serait-ce que des stands réguliers.
Je fais également partie du conseil d’administration. Je m’occupe des pages cuisine de notre revue Alternatives Végétariennes et de la traduction de certains articles, de relectures, notre petite newsletter, etc.

Pourquoi choisir de promouvoir le végétarisme aujourd’hui?
Parce que je dois aimer la difficulté !!! Je reconnais que c’est plus facile maintenant, mais lutter contre les habitudes, les contre-vérités, les certitudes, la « tradition », ça reste une affaire de chaque minute. Mon objectif premier, c’est qu’on arrête de tuer les animaux. Pour cela, il faut que l’humain arrête de se croire plus fort que tout le monde et de considérer la planète comme son bien personnel. Je voudrais vivre dans une société où chacun aurait sa place et respecterait l’autre, humain ou animal. Je pense pas vivre assez longtemps pour le voir, soyons réalistes, mais c’est la solution à bien des problèmes économiques autant que moraux. Ne plus manger de viande pour éviter la déforestation, les OGM, les pollutions, les maladies, c’est vraiment excellent. Mais l’autre dimension, c’est que je pense que quand on ne tue pas (je veux dire quand le meurtre – d’un humain comme d’un animal – est tabou), on accède à autre chose. Je ne suis pas « mystique », j’ai les pieds sur terre, mais un peu de spiritualité n’a jamais fait de mal à personne. Je parlais d’avoir la conscience tranquille plus haut. Imagine ce que serait la vie sur cette planète si nous faisions tous en sorte que ce soit la réalité !!! Quel bonheur ce serait !

Que défend exactement l’AVF, quelles sont ses actions? Pourquoi rejoindre une telle association?
L’objectif premier d’AVF est de promouvoir le végétarisme, en expliquant pourquoi c’est bon et bien (alimentation, santé, environnement, et bien sûr animaux). Nous faisons un gros travail de documentation et je ne crois pas me tromper en disant que nous sommes une référence dans ce domaine. Nous avons un réseau de délégués qui font des actions (stands, ateliers de cuisine, etc.), nous publions une revue trimestrielle et animons un site Internet.
Très franchement, j’ai rejoint l’AVF parce qu’en 2004, je crois n’avoir trouvé qu’elle sur Internet. J’ai vu que le montant de l’adhésion n’était pas bien élevé et j’ai adhéré « pour voir ». Et j’ai tellement bien vu que j’y suis encore -;) Je ne regrette vraiment pas. J’ai trouvé à l’AVF des personnes de grande qualité et des amis. Je m’y sens très bien.

Constates-tu une évolution des mentalités dans la relation entre les humains et les autres animaux?
Oui et non. Non parce que je ne vois pas d’abattoirs qui ferment, et pas d’augmentation fulgurante du nombre de végétariens. Oui, parce que malgré tout, les gens voient certains reportages à la télé et que petit à petit, ils prennent conscience que quelque chose ne va pas. Mais c’est très fragile. J’ai l’impression qu’une grande partie de la population est anesthésiée, notamment par la télé, mais c’est un autre débat. « On » nous fait avaler n’importe quoi, au propre comme au figuré. Je n’ai plus de télé depuis plusieurs années, et je suis certaine que des passer ses soirées à faire autre chose (lire en ce qui me concerne parce que le cinéma est trop loin, ou regarder un DVD) joue un grand rôle. C’est un luxe d’avoir le temps de réfléchir, mais c’est un luxe que beaucoup pourraient s’offrir sans problème.

Comment imagines-tu l’évolution du végétarisme en France et à travers le monde?
En France, l’évolution passe par le travail de forcené réalisé par les associations (végétariennes, de protection animale, de défense de l’environnement), mais elle est très lente. Quand on voit les arguments qui sont donnés contre « un jour végétarien » dans les collectivités, c’est assez ahurissant et déprimant. J’ai le sentiment que partout dans le monde, nous sommes une poignée à ramer à contre-courant. Je ne suis pas certaine d’être très optimiste…
L’évolution du végétarisme est liée à celle de nos sociétés, et je ne me retrouve pas dans ce qu’on appelle le « progrès ». Donc, il faut continuer à essayer d’inverser la tendance. Inlassablement.

Entre ton travail et tes diverses responsabilités, trouves-tu le temps pour t’épanouir dans ta vie personnelle?
Je ne le trouve pas toujours, mais je le prends Je fais tout moins qu’avant (lire, voyager), mais je trouve toujours du temps pour ma famille, et pour de petites escapades.
Je rêve d’arrêter de travailler pour pouvoir m’organiser autrement, mais le contexte n’est pas exactement favorable, n’est-ce pas ? Donc, je me débrouille pour être aussi « multitâche » que possible !

Quelles seraient pour toi les clés d’une vie équilibrée et heureuse?
Je n’ai pas la recette exacte, mais il me semble que cela passe par une répartition équilibrée des activités professionnelles, associatives et de la vie familiale et sociale. La possibilité de pouvoir se poser dans le calme pour recharger ses batteries.
Je suis très loin d’être malheureuse : j’habite à la campagne, je travaille chez moi, ça me convient très bien parce que je m’entends bien avec moi-même .

Quels sont tes voeux et projets pour l’avenir?
Avoir encore autant d’énergie pendant de longues années, continuer à apporter ce que je peux à AVF, déménager dans un endroit plus isolé (chuut, nos deux chattes ne sont pas encore au courant !), améliorer encore l’aspect « écolo et décroissant » de notre vie et… mettre le nez dehors un peu plus souvent.

A un niveau plus général : que les mentalités bougent vraiment !

Un grand merci à Françoise d’avoir pris un peu de son précieux temps pour répondre à PIGUT. Avec ses engagements positifs, je ne peux que souhaiter la réalisation de ses voeux!

Peux-tu te décrire et nous en dire plus sur ce qui te touche dans la vie en quelques mots?
Pour situer, j’ai la cinquantaine. Je vis avec mon compagnon depuis plus de 30 ans (!) et nous avons une fille étudiante. Nous vivons dans un village, où nous avons rénové un vieux bâtiment abandonné, curieusement il s’agit d’un ancien abattoir !!!. Qui sait l’influence que cela a eu sur notre changement d’alimentation ?
C’est banal, mais c’est l’injustice qui me révolte le plus et je la perçois pratiquement partout. Mais on s’épuise à lutter sur tous les fronts. Alors depuis 6 ans, j’ai fait le choix d’oeuvrer à la promotion du végétarisme pour tenter d’amener de plus en plus de gens à épargner les animaux et à changer la perception que nous en avons. Je crois qu’un changement d’attitude envers son alimentation provoque une cascade d’autres changements, ou au minimum de nouvelles pistes de réflexion.
Tu es traductrice de profession, en quoi consiste ce métier, comment l’as-tu choisi?
Il m’a fallu un peu de temps avant de savoir « ce que j’allais faire ». Les langues (anglais et espagnol) m’ont toujours attirée et je ne voulais pas être prof. J’aime l’idée de faciliter les relations entre des personnes de langues différentes. J’ai un peu voyagé et j’ai pu constater comme c’était génial de pouvoir vraiment communiquer avec les gens, autrement que par gestes ou avec un vocabulaire limité. L’essentiel de mon travail n’est pas forcément très intéressant en termes de contenu, je connais des périodes très actives et d’autres plus creuses, mais je n’ai pas de patron et c’est très précieux !
Végétarienne depuis l’an 2000, comment en es-tu arrivée à faire le choix du végétarisme?
Ca, c’est une question qu’on me pose souvent. Il m’a fallu des mois avant d’en arriver à ce 31 décembre 1999 où j’ai annoncé à ma famille que désormais, la viande, c’était fini pour moi. En réalité, il m’a fallu 40 ans… J’ai toujours vécu à la campagne et j’ai vu des poulets égorgés, des lapins saignés, même des retours de chasse triomphaux ! (Oui, j’ai plumé des perdreaux et des cailles dans mon enfance) Et j’entends encore les cris poussés par ce cochon tué à coups de maillet par le boucher du village. Je devais avoir 8 ou 9 ans. Au début, j’ai cru que c’était un humain. Je me suis enfuie, j’étais bouleversée. Et je n’ai toujours pas compris pourquoi je n’avais jamais réussi à faire le lien entre ce moment épouvantable et la tranche de jambon du dîner. Je crois que je n’ai jamais imaginé qu’il était possible de ne pas manger de viande. Comme quelque chose qui n’existe pas.
Mais dans les années 90, à la maison, on en était arrivés à manger assez mal, toujours la même chose. Je n’avais plus envie de cuisiner. Je commençais à voir l’animal vivant derrière le morceau de viande et ça devenait assez perturbant. Mais végétarien ? J’en avais la représentation classique (le grand type maigre devant ses carottes râpées) et ça ne me faisait pas très envie. Je n’en avais jamais rencontré « pour de vrai ». Et un jour, lors d’un dîner entre membres d’une association, la personne qui nous recevait avait préparé un rôti de porc et une des invités a dit que « non merci, je ne mange pas de viande ». En fait, elle mangeait de la volaille et du poisson, mais peu importe. Le déclic pour moi, je crois, ça a été de constater que ça ne posait de problème à personne. Sa déclaration a été accueillie le plus naturellement du monde. Je n’en revenais pas. Et pour moi, c’est devenu une évidence : j’allais donc enfin pouvoir arrêter de manger des animaux. Et on ne me lyncherait pas ! Quel soulagement !
Quelles ont été les réactions de ton entourage face à ce changement?
J’avais prévenu que je ne voulais imposer mon choix à personne et que je continuerai à cuisiner « normalement ». Et au bout de 3 semaines, mon compagnon m’a dit qu’il voulait manger comme moi. Ma fille, collégienne à l’époque, a suivi au bout de très peu de temps. Nous sommes donc rapidement devenus une famille sans cruauté. Pour mes parents, ça a été un peu plus difficile à accepter et à comprendre. Il y a eu beaucoup de questions de posées, sur les protéines, les carences, etc. Je sentais de l’inquiétude et une certaine perplexité. Je sais bien que ce changement a remis pas mal de choses en cause, toute une histore familiale, mais nous ne sommes pas une famille de querelleurs. Avec le temps, tout s’est apaisé et je leur suis sincèrement reconnaissante de l’avoir toléré puis accepté et enfin presque adopté. Mes parents mangent maintenant du tofu et du seitan… Et ils adorent ma mousse au chocolat au tofu soyeux !

En ce qui concerne les amis, un certain tri s’est opéré assez naturellement. Pour certains, nous sommes devenus des empêcheurs-de-manger-tranquillement-en-rond, d’autres ont su faire les quelques efforts d’adaptation nécessaires, ont manifesté un certain intérêt, et surtout, ne nous ont ni jugés ni condamnés. Et quand on dit « Un de perdu, dis de trouvés », ça a parfaitement fonctionné. Nous avons perdu quelques amis carnivores et en avons gagné beaucoup avec qui nous partageons cette conviction fondamentale.
Comment s’est passé ta « conversion » vers l’alimentation végétale?
De façon assez classique, je suppose. Par exemple, ma première expérience de tofu a été un peu déconcertante. Pour tout dire, j’ai trouvé ça infect. Et puis j’ai appris qu’il fallait le faire macérer…
J’ai acheté un ou deux livres de cuisine et je me suis lancée !
J’ai vite compris qu’une alimentation ovo-lacto-végétarienne n’était pas satisfaisante sur le plan éthique, alors petit à petit, j’ai éliminé les yaourts, le beurre, le lait et le fromage de vache. Je consommais encore un peu de fromage de chèvre, mais c’est fini. C’est vraiment une histoire mentale. Je vois l’animal. Devant un morceau de fromage de chèvre, je vois le chevreau qui part à l’abattoir. Devant un morceau de comté ou autre, je vois la vache qui pleure le veau qu’on vient de lui enlever.
J’ai mangé des oeufs assez longtemps parce que nous avions construit un poulailler et adopté 5 poulettes naines, avec chacune son nom et… son caractère. Ce sont des créatures vraiment intelligentes. L’amie qui me les avait données m’avait prévenue : « ne sous-estime jamais une poule ! » Et effectivement, elles m’ont souvent surprises par leur inventivité. Elles sont mortes maintenant et les seuls oeufs que je consomme – rarement – sont ceux que me donnent des personnes « bien », qui élèvent leurs poules et ne les mangent pas.
J’adore découvrir des trucs nouveaux et je ne me décourage pas quand ça ne répond pas à mes attentes. J’aime bien cuisiner aussi, mon seul regret est de manquer de temps pour ça. Mais ça ne m’empêche pas d’acheter des livres de cuisine !!!
Quels seraient tes conseils pour ceux qui souhaitent se lancer également dans l’aventure végéta*ienne?
Foncez ! Allez-y ! C’est tellement génial d’avoir la conscience tranquille. Ne vous posez pas trop de questions (ça revient parfois à se chercher des excuses). Donc, essayez des aliments, des modes de cuisson, lisez les blogs, adhérez à l’AVF !!! Nous sommes là pour écouter, accompagner, conseiller, rassurer et encourager. J’admire les gens qui étaient végétariens il y a 60 ou 80 ans. Les choses ont tellement évolués que franchement, il n’y a pas à hésiter !
Tu es bénévole pour l’Association Végétarienne de France (AVF), quels sont tes rôles?
J’ai deux casquettes : une locale. Je représente l’association en Touraine, j’y organise des ateliers de cuisine (avec Anne Brunner, que tu dois connaître) et depuis l’an dernier, je tiens un stand au salon Fougère fin septembre. Les activités vont s’étoffer très bientôt car nous allons devenir « délégation », donc plusieurs personnes, et nous pourrons organiser plus de choses, ne serait-ce que des stands réguliers.
Je fais également partie du conseil d’administration. Je m’occupe des pages cuisine de notre revue Alternatives Végétariennes et de la traduction de certains articles, de relectures, notre petite newsletter, etc.
Pourquoi choisir de promouvoir le végétarisme aujourd’hui?
Parce que je dois aimer la difficulté !!! Je reconnais que c’est plus facile maintenant, mais lutter contre les habitudes, les contre-vérités, les certitudes, la « tradition », ça reste une affaire de chaque minute. Mon objectif premier, c’est qu’on arrête de tuer les animaux. Pour cela, il faut que l’humain arrête de se croire plus fort que tout le monde et de considérer la planète comme son bien personnel. Je voudrais vivre dans une société où chacun aurait sa place et respecterait l’autre, humain ou animal. Je pense pas vivre assez longtemps pour le voir, soyons réalistes, mais c’est la solution à bien des problèmes économiques autant que moraux. Ne plus manger de viande pour éviter la déforestation, les OGM, les pollutions, les maladies, c’est vraiment excellent. Mais l’autre dimension, c’est que je pense que quand on ne tue pas (je veux dire quand le meurtre – d’un humain comme d’un animal – est tabou), on accède à autre chose. Je ne suis pas « mystique », j’ai les pieds sur terre, mais un peu de spiritualité n’a jamais fait de mal à personne. Je parlais d’avoir la conscience tranquille plus haut. Imagine ce que serait la vie sur cette planète si nous faisions tous en sorte que ce soit la réalité !!! Quel bonheur ce serait !
Que défend exactement l’AVF, quelles sont ses actions? Pourquoi rejoindre une telle association?
L’objectif premier d’AVF est de promouvoir le végétarisme, en expliquant pourquoi c’est bon et bien (alimentation, santé, environnement, et bien sûr animaux). Nous faisons un gros travail de documentation et je ne crois pas me tromper en disant que nous sommes une référence dans ce domaine. Nous avons un réseau de délégués qui font des actions (stands, ateliers de cuisine, etc.), nous publions une revue trimestrielle et animons un site Internet.
Très franchement, j’ai rejoint l’AVF parce qu’en 2004, je crois n’avoir trouvé qu’elle sur Internet. J’ai vu que le montant de l’adhésion n’était pas bien élevé et j’ai adhéré « pour voir ». Et j’ai tellement bien vu que j’y suis encore -;) Je ne regrette vraiment pas. J’ai trouvé à l’AVF des personnes de grande qualité et des amis. Je m’y sens très bien.
Constates-tu une évolution des mentalités dans la relation entre les humains et les autres animaux?
Oui et non. Non parce que je ne vois pas d’abattoirs qui ferment, et pas d’augmentation fulgurante du nombre de végétariens. Oui, parce que malgré tout, les gens voient certains reportages à la télé et que petit à petit, ils prennent conscience que quelque chose ne va pas. Mais c’est très fragile. J’ai l’impression qu’une grande partie de la population est anesthésiée, notamment par la télé, mais c’est un autre débat. « On » nous fait avaler n’importe quoi, au propre comme au figuré. Je n’ai plus de télé depuis plusieurs années, et je suis certaine que des passer ses soirées à faire autre chose (lire en ce qui me concerne parce que le cinéma est trop loin, ou regarder un DVD) joue un grand rôle. C’est un luxe d’avoir le temps de réfléchir, mais c’est un luxe que beaucoup pourraient s’offrir sans problème.
Comment imagines-tu l’évolution du végétarisme en France et à travers le monde?
En France, l’évolution passe par le travail de forcené réalisé par les associations (végétariennes, de protection animale, de défense de l’environnement), mais elle est très lente. Quand on voit les arguments qui sont donnés contre « un jour végétarien » dans les collectivités, c’est assez ahurissant et déprimant. J’ai le sentiment que partout dans le monde, nous sommes une poignée à ramer à contre-courant. Je ne suis pas certaine d’être très optimiste…
L’évolution du végétarisme est liée à celle de nos sociétés, et je ne me retrouve pas dans ce qu’on appelle le « progrès ». Donc, il faut continuer à essayer d’inverser la tendance. Inlassablement.
Entre ton travail et tes diverses responsabilités, trouves-tu le temps pour t’épanouir dans ta vie personnelle?
Je ne le trouve pas toujours, mais je le prends Je fais tout moins qu’avant (lire, voyager), mais je trouve toujours du temps pour ma famille, et pour de petites escapades.
Je rêve d’arrêter de travailler pour pouvoir m’organiser autrement, mais le contexte n’est pas exactement favorable, n’est-ce pas ? Donc, je me débrouille pour être aussi « multitâche » que possible !
Quelles seraient pour toi les clés d’une vie équilibrée et heureuse?
Je n’ai pas la recette exacte, mais il me semble que cela passe par une répartition équilibrée des activités professionnelles, associatives et de la vie familiale et sociale. La possibilité de pouvoir se poser dans le calme pour recharger ses batteries.
Je suis très loin d’être malheureuse : j’habite à la campagne, je travaille chez moi, ça me convient très bien parce que je m’entends bien avec moi-même .
Quels sont tes voeux et projets pour l’avenir?
Avoir encore autant d’énergie pendant de longues années, continuer à apporter ce que je peux à AVF, déménager dans un endroit plus isolé (chuut, nos deux chattes ne sont pas encore au courant !), améliorer encore l’aspect « écolo et décroissant » de notre vie et… mettre le nez dehors un peu plus souvent.

A un niveau plus général : que les mentalités bougent vraiment !