Pee
Musicalement, il faut donner sa chance au disque, car il semble assez léger aux premières écoutes, voire manquer d’originalité ou de flamboyance, étant donné qu’avec de tels invités, l’attente est forcément colossale.
En y revenant, Peeping Tom prend toute sa forme et sa cohérence : loin d’être un chef-d’oeuvre, c’est tout de même un opus d’une homogénéité incroyable (malgré la diversité des invités) et ne rechigne pas pour autant à des moments qui flirtent avec l’amusement au second degré ou avec la violence, mais toujours de façon maîtrisée, et des moments tout simplement sublimes.
« Five seconds » ouvre superbement l’album, avec Mike Patton qui justifie son statut d’« homme-voix », sur une production parfaite.
Rahzel est comme toujours extraordinaire sur « Mojo », et il est d’ailleurs parfois difficile de vraiment réaliser, non pas ce qu’il fait, mais ce qu’il ne fait pas en beatbox.
« Don’t even trip » n’est assurément pas la production la plus impressionnante d’Amon Tobin, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’accompagner Patton, et au final, la personnalité des deux se confond très bien, pour un morceau assurément sans prétention mais très bon.
« Get away » propose un rap hypnotique et hanté, tout à la fois. Kool Keith y est parfait, sans excès, et Patton chante, lui, de façon surréaliste, ajoutant à l’ambiance plutôt lente de la production.
« Your neighborhood spaceman » : pour moi, c’est l’une des grosses tueries de Peeping Tom. La langueur est mêlée à une sorte de nostalgie, mais un grain de folie pointe son nez, comme souvent dans le disque ou dans l’univers de Patton en général. Tout simplement grandiose.
« Kill the DJ » : l’une des plus grosses attentes de l’album, puisque Massive Attack est à la production, soit, l’une des rares nouveautés du groupe entre 2003 et 2010. Sans être transcendant, tout est parfaitement millimétré. En somme, c’est d’abord la déception qui vous touchera. Ensuite, quand vous ferez enfin l’effort d’arrêter de vouloir toujours tomber sur des chef-d’œuvre, vous entendrez un put#&* de morceau sur lequel Mike Patton vient littéralement se poser, pour un envol final superbe. Massive Attack ne faillit, toujours pas, à sa renommée.
« Caipirinha », à l’inverse, est plutôt faible, même si l’ambiance est forcément annoncée d’entrée avec ce titre, et Bebel Gilberto en duo avec notre grand manitou. C’est léger comme un cocktail (malheureusement), mais je considère cela comme un entracte plutôt que comme une erreur. D’ailleurs, « Caipirinha » n’est pas mauvais, il manque juste d’intérêt.
« Celebrity death match » : Kid Koala, que l’on retrouve derrière une majorité des titres, assure ici l’ensemble de la production. Encore un très bon titre.
« How u feelin ? » : Patton s’amuse sur ce titre, qui sans être inoubliable, n’est pas inintéressant. Évidemment, la plupart des autres productions l’éclipsent sans beaucoup d’effort.
Attention à la claque avec « Sucker ». Pas parce qu’il s’agit du meilleur morceau, mais bien parce que la surprise est de taille. Premièrement, Norah Jones figure sur le projet (!). Deuxièmement, parce qu’elle vient pour étonner soit ses fans, soit ses détracteurs. Le titre ne peut pas être plus explicite sur le contenu des paroles. Une nouvelle fois, ce n’est pas inoubliable, ni inintéressant. Passons à la suite…
Nouvelle bombe, pour finir l‘album : « We’re not alone (remix) ». Mike Patton y déploie un potentiel fabuleux (certes déjà connu de pas mal de monde) sur une production très rock. Peut-être la seul titre de tout le disque qui pourrait avoir figurer sur un album de Faith No More (je pense notamment à King For A Day Fool For A Lifetime).
Au final, un très bon projet qui tient la route de bout en bout, avec quelques bas, mais surtout, des sommets dont « We’re not alone » qui nous assomme littéralement. Sans oublier un packaging très sensuel.
Un petit plaisir à s’offrir.