Quelques années à peine après maintenant… Sur les routes striant le désert ne règne plus que chaos et violence : les gangs de motards disputent sans cesse le moindre bout de terrain aux policiers pilotes d’intercepteurs, symboles d’une loi en faillite et d’une justice expéditive. Max est du côté de l’ordre, lui, et il adore jouer avec ses « proies » lors de duels à morts sur le bitume. Jusqu’à ce qu’il mette au tapis un dangereux hors-la-loi dont les amis sont aussi nombreux que psychopathes…
Il y a à peine un peu plus de 30 ans que Mad Max a déboulé dans les salles obscures, pied au plancher et moteur hurlant, et l’avenir qu’il dépeignait n’a jamais vraiment cessé de se confirmer depuis, bien au contraire. Car dans cet avenir terriblement proche, et même s’il faudra attendre la séquelle pour confirmer l’impression, le tarissement des ressources – en particulier le pétrole – a acculé les états au bord du gouffre, et avec l’affaiblissement des autorités, la citoyenneté s’estompe, c’est-à-dire les bases même de la société : en quelque sorte livrés à eux-mêmes, face aux délinquants qui osent tout mais aussi devant une population découragée par l’impuissance des pouvoirs publics, les flics n’ont plus d’autre choix que d’adopter des méthodes extrêmes, inhumaines… Que faire d’autre ?
Conforme à l’état d’esprit de son époque, où les années 80 pour le moins froides et clinquantes qui s’annonçaient se posaient déjà en porte-à-faux avec la décennie 70 déclinante, Mad Max dépeignait un monde de fureur et de métal rugissant où toutes les valeurs s’étiolent. Toute ressemblance avec notre présent n’a bien sûr rien de fortuit. Après tout, chacun sait que tous ces palabres à propos du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources ne servent qu’à rapporter toujours plus de fric à ceux qui savent commercer sur les angoisses et les terreurs du peuple, non ? George Miller nous présente ici un avis différent : en cette fin des années 70, le problème des ressources en énergie est connu depuis un certain temps déjà, et il nous livre dans ce film sa vision de l’avenir proche, en regard non seulement des prédictions établies par les scientifiques mais aussi des attitudes des grandes puissances – à l’époque plus préoccupées par la guerre froide que par un hypothétique avenir, ce qui du reste se comprend très bien.
Dans cette désintégration de la raison pure, où la grande machine n’en finit plus de grincer sous cette rouille qui la ralentit déjà de façon plus que conséquente, la frontière séparant le bien du mal devient toujours plus floue à chaque jour : elle aussi s’étiole, et bientôt ne reste-t-il plus que les passions primaires à peine dissimulées sous un vernis de reliquat de fausse civilisation. Entre ceux qui y croient toujours, en se voilant plus ou moins la face, et ceux qui n’y croient plus, parce que ces gens-là se trouvent toujours des prétextes, le combat ici décrit prend en fait ses racines dans un passé pour le moins lointain ; finalement, ce qui dérange dans Mad Max, c’est bien moins sa violence – en fin de compte assez sobre dans ses représentations – que sa vision d’un avenir aux accents préhistoriques – et qui paraît tout de même assez exagéré, mais c’est bien le privilège des artistes que de grossir le trait après tout.
Si ce film reste d’une troublante actualité, au moins pour son postulat de départ, il n’en demeure pas moins une image, une représentation d’un possible qui n’adviendra probablement jamais – espérons-le en tous cas – mais qui cristallise néanmoins des terreurs inconscientes et à l’époque encore assez peu répandues même si elles ont fait leur chemin depuis. C’est peut-être d’ailleurs dans de telles productions que trouvent racine les angoisses actuelles quant à l’épuisement des ressources et le réchauffement climatique : sans avoir vu de telles œuvres, le public sait néanmoins ce qu’elles contiennent, ce qu’elles prévoient – à l’image des légendes urbaines, et sans qu’on le prenne jamais vraiment au sérieux, comme toutes les légendes justement, Mad Max s’est peu à peu immiscé dans les esprits, jusqu’à imposer la vision d’un avenir que plus personne ne conteste…
C’est le pouvoir des médias artistiques et des auteurs qui les utilisent. À l’aide d’images fortes et d’idées qui le sont tout autant, et en dépit du décalage avec le réel caractéristique de certaines de leurs productions, ils impriment leurs avertissements, leurs mises en garde : ils nous préviennent de ce qu’il va se passer si… Et on y croit car tout ça nous paraît bien possible en fin de compte – c’est tellement bien fait –, même si on ne se l’avoue pas vraiment, et surtout pas en public. Mais au final, on va faire attention à consommer moins d’eau chaude, moins de gaz, moins d’électricité, à trier nos ordures,… On ne voudrait surtout pas croiser un jour ce spectre aux allures de motard fou sur une autoroute hystérique.
Chroniques de la série Mad Max :
1. Mad Max (le présent billet)
2. Mad Max 2 : le défi
3. Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre (à venir)
Récompense :
Prix spécial du jury, Festival du film fantastique d’Avoriaz, 1980.
Mad Max, Georges Miller, 1979
Warner Home Video, 2001
89 minutes, env. 10 €
- d’autres avis : Traqueur Stellaire, Solaris Distribution, Cinétudes, Citizen Poulpe
- Mad Max Movies : site de fans avec de nombreuses FAQ (en anglais)
- Mad Max Online, le site officiel du film (en anglais)