Au Vatican, Sarkozy prend les cathos pour des cons

Publié le 11 octobre 2010 par Juan
Il était tendu en arrivant à son rendez-vous privé avec le « Saint Père », vendredi 8 octobre. Nicolas Sarkozy en est ressorti souriant. Vendredi, il s'est signé publiquement à quatre reprises, oubliant qu'il est le président d'une République laïque. Un peu plus tard, il a porté un toast aux relations entre l'Eglise catholique et la République Française, devant le premier collaborateur du pape, à l'ambassade de France auprès du Vatican, à la Villa Bonaparte. Bizarrement, il est même parvenu à glisser quelques mots sur la prochaine organisation du G8 et du G20 par la France.
L'homme ne doute de rien.
Si Sarkozy fut avare de discours, tout préoccupé qu'il était de s'afficher modeste et spirituel, on n'a cependant pas manqué d'images. Sarkozy, de quelques centimètres plus grand que son hôte papal, était souriant, la démarche toujours saccadée comme un cow-boy à peine descendu de sa monture, sourire radieux, gestes ostensibles. Le portable était rangé.
Sarko le catho
A la Basilique Saint-Pierre, il eût droit à une prière, filmée. Une chaise isolée avait été placée pour lui devant l'autel. Il fallait que les catholiques de France voient leur président en prière. Pour les laïcs, voire les athées, quelques dizaines de millions dans le pays, l'image pouvait être choquante, révoltante. Imaginez la même scène dans une mosquée. Que n'aurait-on entendu ? La religiosité de Nicolas Sarkozy pollue la Sarkofrance depuis 2007.
En septembre 2008, il avait reçu le pape à Paris. Déjà à l'époque, il était sorti de son rôle de président de la République, en réaffirmant son concept absurde de laïcité positive : « La laïcité positive, la laïcité ouverte, c'est une invitation au dialogue, à la tolérance et au respect. C'est une chance, un souffle, une dimension supplémentaire donnée au débat public. » La laïcité peut elle être négative ? Est-ce à un président d'une République laïque de s'agenouiller ainsi devant l'Eglise catholique, 103 ans après la première loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat ?
Quelques mois auparavant, le 14 janvier 2008 à Ryad (Arabie Saoudite), le Monarque s'était permis un fameux et funeste discours, dit de Latran : « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme. Dieu qui n’asservit pas l’homme mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes.» Ou encore : « J’ai le devoir de faire en sorte que chacun, qu’il soit juif, catholique, protestant, musulman, athée, franc-maçon ou rationaliste, se sente heureux de vivre en France, se sente libre, se sente respecté dans ses convictions, dans ses valeurs, dans ses origines. Mais j’ai le devoir aussi de préserver l’héritage d’une longue histoire, d’une culture, et, j’ose le mot, d’une civilisation. Et je ne connais pas de pays dont l’héritage, dont la culture, dont la civilisation, n’aient pas de racines religieuses. »
Par cette déclaration indécente, Sarkozy sortait de son rôle, de son mandat, il exhibait sa foi intime et personnelle, il n'était plus le Président de tous les Français.
Deux ans et demi plus tard, le voici qui réitère, plus sobre dans les paroles, plus provocants dans les images. Il y a le feu dans la baraque sarkozyenne. La cote de popularité est au plus bas. Les « cathos » sont partis, et Nicolas Sarkozy s'imagine que quelques photos de piété opportuniste rétabliront sa cote.
Sarko le gaucho
Ce vendredi 8 octobre, Nicolas Sarkozy s'était réservé 5 heures pour un aller-et-retour, prière comprise, avec le Vatican. Le quotidien chrétien La Croix rappelait qu'il avait « soigneusement » préparé cette visite éclair avec le journaliste Patrick Buisson – « son conseiller pour les sondages, l’extrême droite et plus récemment les affaires religieuses ». Sarkozy eut droit à 30 minutes avec Sa Sainteté. A l'issue de l'entrevue papale, les services du Vatican évoquèrent par communiqué interposé, les « échanges cordiaux » sur la paix et « la situation des chrétiens » au Moyen-Orient, et l'« importance de la dimension éthique et sociale dans les problématiques économiques. »
Puis Sarkozy et son conseiller Buisson eurent un « entretien de travail » avec le cardinal secrétaire d’État, Mgr Tarcisio Bertone, qui a suivi le huis-clos avec le pape.
Puis vint le temps du recueillement, des signes de croix et de la prière. Le cardinal français Jean-Louis Tauran, chargé de la prière à la Basilique Saint-Pierre, pu rappeler à son hôte  : « Que chacun considère ce qu'il peut accomplir pour le respect absolu de la vie, pour la justice, pour l'emploi, pour l'éducation, pour la santé, pour l'environnement, pour la sécurité, pour l'accueil des persécutés et des immigrés et pour la vérité de l'information. » Ou encore : « Blaise Pascal l’a dit autrement, a poursuivi le cardinal : “le propre de la puissance est de protéger”. »
Après son « moment de prière », Sarkozy pouvait enfin filer à la villa Bonaparte. Il a commencé par rappeler ce fameux héritage chrétien auquel il tient tant : « La France n'oublie pas qu'elle a avec l'Église 2000 ans d'histoire commune et qu'elle partage avec elle, aujourd'hui, un trésor inestimable de valeurs morales, de culture, de civilisation qui sont inscrites au cœur de son identité. » Il voulut insister sur les causes communes à l'Eglise catholique et la République française, « la justice », « l'équilibre », « la paix », « la fraternité », «  la même exigence contre tout ce qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine.» L'image de la France à l'étranger est aujourd'hui détestable : malmenée au Proche-Orient, ciblée par Al Qaida, moquée outre-Atlantique, fustigée en Europe. Sarkozy est devenu, à l'étranger, l'incarnation de la droite « extrême ». 
Le défenseur du bouclier fiscal, vendredi, a ensuite poursuivi en assimilant la récession économique et la crise financière à une crise morale et éthique. Il reprenait son discours gauchiste des tribunes internationales, sans lendemain ni conviction  : « La crise financière de 2008 doit nous ouvrir les yeux : un monde uniquement gouverné par la rente, la spéculation, l'appât du gain à court terme et, disons-le, par l'égoïsme et le cynisme, n'est pas viable. »
Après un appel à la création d'un Etat palestinien, une allusion aux chrétiens d'Orient, Sarkozy a dérivé sur la « gouvernance mondiale », la régulation de la finance ou des marchés de matières premières. Le président français retrouve des accents volontaristes qui, comme en 2009 avant le sommet de Copenhague, ou en 2008 avant les G20 post-krach, ne servent à rien si ce n'est à se donner bonne conscience.
« La loi de la jungle, la loi du plus fort, du plus malin, du plus cynique, c'est le contraire de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, c'est le contraire de la civilisation. »
Quelle « civilisation » Nicolas Sarkozy a-t-il contribué à installer en Sarkofrance ? Une République pour Riches, un mélange de conflits d'intérêts et clivages socio-ethniques permanents comme unique gouvernance nationale. 
Sarkozy, au Vatican, cherchait moins un réconfort spirituel que quelques bulletins de vote au sein de l'électorat catholique. Cette urgence électoraliste méritait 5 heures de déplacements. Cinq heures pour faire oublier un été désastreux.

Télézapping : Sarkozy se rachète une vertu catholique
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