Le GPS et le doigt de l’automobiliste

Publié le 10 octobre 2010 par Jpa

“Dans/cinq/cents////mètres/tournez////à gauche”.

La voix hachée de votre GPS vous insupporte ? Il existe une alternative à cette voix faussement douce et suave : le stimulus tactile. Des chercheurs américains ont mis au point un système de navigation qui donne ses ordres via un un boîtier placé sur le volant. Un index posé dessus suffit à sentir la direction à suivre.

Le but premier de ces chercheurs n’était pas de nous épargner le timbre indélicat de l’appareil désormais placé dans presque tous les nouveaux modèles d’automobiles – pour ça, essayez le GPS avec la voix de Bob Dylan, c’est plus sympa. Cet interface permettrait surtout de concentrer sur la route l’attention des conducteurs distraits.

William Provancher de l’Université de l’Utah et son équipe se sont intéressés, au départ, à l’afflux d’informations qui sollicitent le cerveau de l’automobiliste – le “goulot de bouteille”. Lorsqu’on se laisse guider par un GPS, “les informations visuelles et auditives s’ajoutent a la masse des informations provenant du monde extérieur, ce qui rend leur traitement difficile, spécialement quand on doit faire attention à la route, aux autres voitures et aux piétons”, nous a expliqué M. Provancher.

Des cobayes au volant. Pour le prouver, Provancher et son équipe ont recréé des conditions déplorables pour l’attention du pilote. L’équipe a sélectionné 19 étudiants de l’université de l’Utah qui ont joué les conducteurs cobayes dans un simulateur. Quatre scénarios leurs ont été proposés, comportant le même nombre de changements de direction. Deux scénarios avec téléphone, deux sans. Les conducteurs recevaient les informations vocales ou tactiles. L’exemple a été choisi pour ses vertus scientifiques, l’étude ne remettant pas en cause la dangerosité du téléphone au volant…

Résultats (.pdf) : quand un conducteur est au téléphone, il reste 97 % du temps concentré lorsque les informations directionnelles sont envoyées par le boîtier tactile. Contre 74 % du temps lorsque les injonction sont vocales. En revanche, l’étude ne dit rien sur le comportement des cobayes vis-à-vis des autres automobilistes. En effet, dans la simulation, les routes étaient vides d’autres voitures. Et c’est bien dommage, car il aurait été intéressant de connaître l’effet de la communication tactile sur l’attention aux autres.

Des “bassins” dans le cerveau. Il a été montré (.pdf) qu’un humain effectuait d’autant mieux plusieurs tâches si elles mettaient en jeu des sens différents, utilisant des “bassins” différents de ressources cognitives. C’est en vertu de ce principe, ou de sa connaissance empirique, que les GPS actuels donnent des ordres qui sollicitent l’ouïe et non la vue, déjà bien occupée. Mais les oreilles d’un conducteur ont déjà beaucoup à entendre : la radio, les autres passagers, les autres voitures, les piétons, voire un correspondant au téléphone. Le toucher est en revanche “disponible”. C’est l’intérêt de ce dispositif. “L’utilisation de ce boîtier tactile shunte ce goulot d’étranglement et améliore la perception des informations données par le GPS”, dit Provancher.

Mais à l’avenir, le toucher de l’automobiliste risque d’être davantage sollicité par les aides à la conduite en tout genre. On recule trop près du mur, un deux-roues dans l’angle mort ? Hop, un stimulus pour avertir du danger… Que fait-on du GPS alors ? On ne sait pas !

Malgré ces réserves, les chercheurs ont mis l’accent sur l’automobile car c’est un marché très très vaste aux perspectives alléchantes. Mais le dispositif pourrait être utile dans bien d’autres cas. Pour les personnes sourdes qui prennent des risques en regardant l’écran du GPS en conduisant. Ou pour guider des professionnels dans des situations d’urgence : mineurs, soldats, pompiers, etc. L’équipe œuvre actuellement à une miniaturisation de l’appareil pour l’utiliser dans les portables, iPod et autre manette de jeu vidéo. Une commercialisation est envisagée rapidement en Europe.

Photo : Jobriga/FlickR