C’est dans la relation que se joue une grande partie de notre vie

Publié le 10 octobre 2010 par Toli

Je viens de retrouver un article intitulé “La solitude : un chemin vers soi-même” lu dans Le Monde daté du 22 juillet 2010.

Le rapport sur les solitudes en France publié début juillet par l’Observatoire de la fondation de France révèle une grande souffrance sociale. Elle est un symptôme fort de notre manière problématique de vivre avec les autres, et de vivre avec nous-mêmes. La relation avec les autres nous constitue comme être humain ; elle est comme le socle sur lequel chacun peut construire sa vie. Tout au long de notre existence, elle nous façonne ; c’est dans la relation que se joue une grande partie de notre vie.

Nous entrons dans le monde en apprenant à être avec les autres. Le développement psychologique et social de chacun est ainsi marqué par ce qui se joue dans ses liens avec autrui.

Ces liens sont des vecteurs à travers lesquels chacun intériorise au cours de son apprentissage social des rôles, des normes, des valeurs sur la manière de vivre avec les autres et de se comporter avec eux de façon acceptable socialement.

Aujourd’hui, les relations sont marquées chez de nombreuses personnes par une dislocation de ces rôles, de ces valeurs, liée en particulier à la baisse de conscience des responsabilités, de la prolifération des ersatz relationnels que sont les réseaux sociaux sur Internet, de l’individualisme désespéré qui se manifeste comme une affirmation illusoire d’autonomie. Dans le fond, nous n’apprenons plus à vivre réellement avec les autres.

Les fractures de la vie (chômage, séparation, mort d’un proche, maladie grave, accident, catastrophe) sont des révélateurs de la fragilité de nos liens et représentent souvent des atteintes destructrices : elles nous excluent du monde social, nous rejettent, nous isolent.

La solitude montre de ce point de vue qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème social d’isolement et de rejet, mais aussi d’une faillite de notre mode d’existence sociale. Quel est au fond la vraie nature de nos attachements qui nous construisent, mais qui peuvent aussi nous détruire ?

La solitude apparaît alors aux yeux de beaucoup comme une expérience négative, triste, affreuse où l’on n’a parfois plus de raisons de vivre. A cet égard se pose une question fondamentale : est-ce que nous savons encore vivre avec nous-mêmes ? Si la solitude est perçue négativement aujourd’hui, n’est-ce pas parce que nous n’avons pas pris, ni fait l’expérience avec nous-mêmes ? Nous ne réalisons ni nous n’acceptons réellement ce que cela comporte de positif pour vivre.

Nous pensons la solitude comme une expérience négative à éviter car nous percevons souvent la solitude comme une perte de nous-mêmes ; elle nous prive de la reconnaissance dont nous avons besoin du fait que nous n’existons souvent que dans le regard des autres. Or, dans la solitude chacun est renvoyé à lui-même. Tout le monde fait un jour l’expérience de la solitude à travers les épreuves de la vie où on est confronté à soi-même, à sa propre vie celle que chacun doit assumer seul.

Dans la vie ordinaire nous pensons souvent de façon illusoire que les autres nous aident à régler nos problèmes ; en fait, quand on est seul alors seulement on réalise que personne ne règle le problème à notre place. La solitude est plus qu’on ne le croit une école de vie où l’on peut beaucoup apprendre sur soi-même, apprendre à vivre avec soi-même, par soi-même et non plus par procuration avec les autres.

LE RETOUR VERS SOI DANS LA SOLITUDE, UN PASSAGE VERS SA PROPRE VIE

La solitude peut-être une école où l’on devient responsable de soi, mais plus largement aussi responsable des autres car la solitude peut être une expérience d’ouverture au monde et non d’enfermement. La solitude est si difficile à supporter par ce que nous avons souvent tout misé sur les relations extérieures, alors que nous n’avons peut-être jamais réussi à construire notre propre vie en ayant une vie à nous, une vie intérieure.

Pour beaucoup, l’intérieur c’est le vide, car nous ne savons pas quoi faire avec nous-mêmes. Nous nous ennuyons quand nous sommes seuls, peut-être parce que nous sommes étrangers à nous-mêmes. C’est dire que la solitude est une expérience indispensable de rencontre avec soi-même. La solitude, c’est prendre sa vie en main, vivre avec ce que nous sommes devenus, pour nous retrouver. Car bien souvent nous faisons tout pour échapper à nous-mêmes.

Apprendre à vivre sa solitude, c’est aussi commencer à habiter sa propre vie. La solitude apprend combien il est difficile d’avoir une vie à soi. Car se retrouver, c’est être présent à soi, c’est retrouver un espace intérieur où on se réapproprie sa vie. La dimension de l’intériorité est souvent dissociée de la solitude et mal comprise. Il n’y a pas d’intérieur sans séparation, qui n’est pas simplement coupure d’avec les autres ; exister comme être seul, c’est une condition essentielle pour se retrouver avec soi.

Se retrouver avec soi est donc une exigence de la solitude pour se construire et se construire comme être humain. Ce retour vers soi est le mouvement même vers sa propre réalisation qui apparaît d’autant plus nécessaire que nous sommes tous pris dans des situations relationnelles qui nous enferment souvent et nous dispersent.

Le retour vers soi dans la solitude est un voyage que les circonstances de la vie nous imposent souvent, mais qu’il faut savoir accueillir non comme un drame et une impossibilité de vivre, mais comme un passage vers sa propre vie.

Alors seulement la solitude peut donner lieu à une métamorphose intérieure qui permet de vivre votre vie comme le seul chemin de notre accomplissement véritable.

Gustave Nicolas Fischer est l’auteur de La Trace de l’Autre (Odile Jacob, 2005).

©2010 { Absolutely Awesome }. All Rights Reserved.

.