Il existe des propositions que l’on n’est pas en mesure de refuser. Et celle des rencontres du “Monde des livres” de ce weekend - “Entretien avec Umberto Eco animé par Eric Fottorino”- en était une. Une heure de pur bonheur, dont je savoure encore les réflexions et les traits d’esprit. Je ne résiste pas à la tentation de vous faire part de quelques idées, car il me semble que peu d’auteurs vivants savent manier avec autant de simplicité, d’ humour et d’érudition, l’observation du monde et la quête de sens.
L’oeuvre d’Umberto Eco est multiple: il a publié de nombreux ouvrages académiques dans le domaine de la sémiotique (étude de la manière dont les différents systèmes de signes permettent aux individus et aux collectivités de communiquer), des essais, des romans et il tient des chroniques dans de grands journaux italiens. Le début de l’entretien fait donc une nouvelle tentative de comprendre qui est Umberto Eco. Il s’est décrit comme “philosophe” avant tout et , accesoirement , comme “écrivain” à ses heures libres.
On aborde, bien sûr, les grands sujets incontournables: le désir d’écrire de la fiction, la passion des listes, les nouvelles oeuvres sous presse ( avis aux amateurs: son prochain roman Le cimetière de Prague sortira en France en mars 2011).
Alors que j’avais pu craindre la posture d’érudit à l’ancienne, cristallisé hors du temps, je découvre un homme qui vit dans notre temps, entre la corvée quotidienne des mails et le test de l’Ipad. Sur la base de l’observation réaliste des faits, Umberto Eco pose un regard critique sur la réalité, introduit son interprétation et cultive sa différence.
Les innovations technologiques permanentes et l’usage d’internet suscitent ses interrogations sur la fragilité accrue des supports du savoir (feue la disquette). Une raison pour revenir sur une thématique qui lui est chère: le livre, cet objet parfait. Il reste de loin le plus durable et le plus facile d’usage de ces supports, en ajoutant, sur la liste de ses avantages l’amour pour le bel objet.
Sous l’avalanche d’informations accessibles par internet, l’essentiel de la culture devient non plus l’accès mais la capacité de filtrage des informations-connaissances, une technique artisanale de comparaison afin de distinguer le vrai du faux. On sent ici le regard critique du scientifique nourri par l’idée vivifiante du soupçon.
Plus largement la fragmentation des véhicules de la connaissance questionnent la capacité de notre société de construire des plateformes culturelles, faites de connaissances et d’idées partagées, nécessaires pour le pouvoir-vivre ensemble.
Et, en conclusion, Umberto Eco croit au point d’interrogation.
Entretien avec Umberto Eco - animé par Eric Fottorino, Directeur du Monde