Apocalypse Bébé

Par Lesignet

Titre Apocalypse Bébé
Auteur
Virginie Despentes
Genre
Littérature contemporaine, satire, polar
Publication
2010
Éditeur Grasset
Pages
343
Mon évaluation
****

Une bonne dose de violence trash à la Tarantino, un concentré de cynisme délectable...

En résumé

Valentine, fille unique et débauchée de l'écrivain raté François Galtan, a disparu, malgré la filature d'une privée engagée par la famille pour tenir l'ado rebelle à l'œil. Lucie, la privée en question, est sommée de la retrouver et de la ramener vite fait au bercail (si elle est toujours en un seul morceau s'entend...). Pour l'assister dans cette mission inédite, elle fait appel à 'la Hyène', personnage quasi-légendaire des milieux de l'espionnage et des renseignements. Grande, mince et magnifique, ouvertement homosexuelle, la Hyène bouleverse tous ceux qui croisent son chemin... tout le contraire de Lucie qui est plutôt du genre invisible.

Sur la route qui les mène à la jeune fille, le duo de choc croise une série de connaissances de la jeune fille, un panel peu reluisant d'égoïstes, de bourgeois, de marginaux et d'agent-doubles semés derrière l'enfant disparue comme les cailloux du Petit Poucet.

Mon avis

'Les enfants sont les vecteurs autorisés de la sociopathie des parents. Les adultes geignent en faisant mine d'être dépassés par la vitalité destroy des petits, mais on voit bien qu'ils jouissent d'enfin pouvoir emmerder le monde, en tout impunité, au travers de leur progéniture. Quelle haine du monde a bien pu les pousser à se dupliquer autant ?'

Soyons clairs, en règle générale, je n'ai pas la moindre affinité avec les romans candidats au Goncourt. Je me suis aventurée un beau jour à lire 'Trois jours chez ma mère' de François Weyergans, grand prix du Goncourt 2005, et en suis ressortie avec une nausée et un ennui d'autant plus écrasants qu'il s'agissait du seul roman que j'avais emporté pour partir en vacances (... à Corfou où comme le savent ceux qui l'ont vécu, il y a très peu d'activités possibles en-dehors de la lecture sur la plage).

C'est donc avec une légère appréhension que j'ai tourné la première page du dernier roman de Virginie Despentes. Mes craintes se sont cependant vite dissipées dans un sentiment de jubilation malsaine face au cynisme concentré qui suinte de la plume acérée de l'auteur. De la noirceur, ou plutôt la trace sanglante du mot qui fait mouche, mais dosée avec suffisamment de finesse et de subtilité pour ne jamais friser l'écœurement ou le désespoir sans recours (je précise que je n'ai pas tenu 20 pages de lecture d''American Psycho' de Brett Easton Ellis, notoirement ultra-cynique et violent).

Ce qui fait la force d''Apocalypse Bébé', c'est qu'au-delà de cette couche fondante de satire, il y a une histoire. Oui, vous avez bien lu, une véritable histoire avec une intrigue à résoudre, des personnages, un déroulement logique, une conclusion. Tout n'est finalement pas perdu pour la littérature française contemporaine qui se contente bien trop souvent à mon goût d'atermoiements stériles et nombrilistes sur le destin pathétique d'individus même pas intéressant et se targue d'être uniquement accessible à une élite cultivée. 

Ici, au contraire, on rencontre de vrais personnages à leur tour attachants, repoussants ou pitoyables. 'La Hyène' est magnifique de bagout, de charisme et de folie berserk. Un peu comme une cousine française de Lisbeth Salander, plus âgée et moins asociale mais tout aussi fascinante. Lucie, transparente et insignifiante dans les premières pages se révèle peu à peu au contact du monde destroy et trash de la Hyène.

On ressort de la lecture de ce roman défoulé par les 7 et autres vérités balancées à la figure de notre époque tout en ressentant une sorte de tendresse pour ses personnages chamboulés. Mon choix à moi pour le Goncourt 2010.