J'ai eu la chance de découvrir il y a quelques jours un atelier de cuisine dont j'avais entendu parler sans jamais avoir eu l'occasion d'y mettre la cuillère. Chance méritée par une photo envoyée à la Fédération Française de Cuisine Amateur en réponse au challenge : montre-moi ton matos je te dirai comment tu cuisines ... A mon tour de montrer comment j'ai cuisiné depuis !
J'apprécie les appareils électriques et les machines (surtout ma toute nouvelle machine à pain qui me permet de recommencer à faire des variations maison avec des ingrédients inattendus) mais j'ai une tendresse inépuisable pour les objets que ma grand-mère m'a transmis ou que j'ai chinés au fil du temps.
Ils m'ont inspiré cette photo grâce à laquelle je me suis retrouvée dans l'ultra-moderne univers de Guy Martin où compétence rime avec élégance et patience.
L'atelier était "privatisé" mardi dernier pour une soirée rassemblant des invités très hétérogènes. La réussite de ce type d'évènement est toujours aléatoire en raison de plusieurs impondérables : l'intérêt des personnes, leur niveau de connaissance en matière de cuisine, leurs goûts culinaires, leur envie de découvrir un maximum de choses dans un minimum de temps, leur capacité à mettre de l'ambiance ou à la casser ...
Rien à voir donc avec un cours "classique" où les participants se sont inscrits en sachant à l'avance ce qu'ils vont apprendre en étant prêt à boire les conseils d'un maitre dans le calme, tablier bien serré.
Les cuisiniers et les cuisinières de Guy Martin sont plongés dans une atmosphère proche des situations difficiles qui sont filmées dans les émissions de plus en plus nombreuses consacrées à des performances culinaires.
Les interrogations fusent. Aucune question ne les désarçonne. Leur carapace est imperméable à toute acidité. Leur sourire n'est que miel. Ils ont le savoir-faire pour mettre à l'aise leur public en quelques secondes et faire de chacun un apprenti compétent, heureux de mettre la main à la pâte, valorisé quel que soit son niveau et ravi de déguster quasi illico ce qui vient d'être fait.
Première étape : papillote de gambas à la mangue, lait de coco et gingembre
La mangue et les pois gourmands sont déjà en julienne, prêts à l'emploi. Les feuilles de papier carta fata sont découpées, les gambas à demi-décortiquées, la coriandre est ciselée, la sauce (échalote, ail, gingembre, curry indien, lait de coco non sucré, filet d'huile d'olive, sel et poivre) attend dans la casserole. Reste l'essentiel : l'assemblage et la cuisson.
A retenir : l'idée de la pince à linge. Le métal ne dérange en rien puisque la cuisson se fait au four traditionnel, 5 minutes à 180 °, 3 minutes seulement si on préfère la crevette juste nacrée.
J'ai appris que la législation française appelle "gambas" toute crevette congelée.
N'oublions pas la dégustation, qui remporte tous les suffrages. L'alliance du contenu de la papillote avec la sauce est une réussite. On pourra récidiver à Noël avec une version plus festive au champagne. J'avais par mégarde renversé ce vin dans la papillote de ma voisine qui a estimé après cuisson que c'était encore meilleur comme çà. Attention juste à réduire le temps de cuisson en raison de la présence de liquide.
Changement de table pour les palets de potiron aux douze épices et Saint-Jacques poêlés
C'est le chef qui cette fois fait tout. Les palets ont été découpés à l'emporte pièce et blanchis à l'eau bouillante salée et parfumée aux douze épices (une variante du raz-el-hanout mais toutes les interprétations sont envisageables). Les Saint-Jacques sont polés avec un filet d'huile d'olive. On les pose sur les palets et on verse un lait de soja émulsionné au mixeur plongeur.
La qualité de la Saint-Jacques est déterminante ainsi que la combinaison aromatique des épices.
A retenir : l'alliance inédite crustacé-potiron dont la couleur évoque le corail.
J'ai appris que la lécithine contenue dans le soja favorisait l'émulsion. Elle apparait nettement sur la photo.
Passons maintenant à l'étage pour une terrine de foie gras au citron vert et son chutney de dattes
Cette fois la préparation a eu lieu en amont et pour cause puisque la terrine est pressée au frais 24 heures. Mais la recette est expliquée sans faire de secret. J'ai tant regretté que ma fille ne soit pas près de moi à cet instant que j'ai voulu le réaliser pour elle sans attendre des semaines. Le foie gras est sans doute sa gourmandise préférée et ses critères sont très marqués.
Son palais ne supporte que la confiture de figues pour accompagner le foie gras. J'en avais donc in extremis acheté un pot (ne retrouvant plus les miennes alors que j'avais le souvenir d'en avoir conservé un exemplaire ...). J'ai retenu la leçon de Guy Martin : il faut à un enfant douze à quinze « essais » avant qu’il accepte un ingrédient. J'étais donc prête à suggérer une dégustation sans l'imposer. Mais elle a reconnu que le chutney était ce qui convenait le mieux. De même que le pain aux dattes préparé spécialement alors que j'avais quand même fait le pain d'épices maison qu'elle avait réclamé.Je pense que la photo se passe de commentaires et j'enverrai la recette à tous ceux qui me la demanderont puisque l'atelier me l'a très gentiment transmise ensuite afin que je procède dans les règles de l'art. Le mot bluffant prend ici tout son sens.
A l'atelier j'avais dégusté le foie gras avec un Cote du Rhône Chapoutier 2008, rouge, qui était excellent bien que l'association vin rouge-foie gras puisse sembler incongrue. A la maison, sur les conseils de Marie (l'Épicerie du Goût de Nancy) j'ai osé un cidre brut dont la légèreté est un atout avec un plat relativement riche il faut en convenir.
Guy Martin a longtemps vécu en Savoie. On y cultivait autrefois le safran. Les caravanes chargées d'épices empruntaient les routes des cols de montagne. Rien d'étonnant à ce que le cuisinier les emploient sans réserve. Le gâteau emblématique de sa région est une de ses spécialités, toujours présente au moment du café. Mais l'homme a voyagé. Il s'inspire des pratiques asiatiques pour créer une cuisine diététique, épurée et esthétique. C'est toujours le patron du Grand Véfour, le restaurant doublement étoilé du Palais Royal. Son atelier est loin des boiseries dorées mais l'esprit est le même. Les formules sont multiples, adaptées à tous les publics et toutes les bourses.
Atelier Guy Martin, 35 rue Miromesnil 75008 Paris, 01 42 66 33 33
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La Fédération Française de Cuisine Amateur est contactable à partir de son site mais aussi par le biais des cours de cuisine qu'elle dispense sur les marchés.