Exposition Gustave Courbet. (1819-1877)
Galeries Nationales du Grand Palais. Paris.
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Du 13 10. 07 au 28.01.08.
Je préfère peindre des yeux humains plutôt que des cathédrales - l'âme d'un être humain - même les yeux d'un pitoyable gueux ou d'une fille du trottoir sont plus intéressants à mes yeux.
Parce que j'aime
visiter les expositions à la dernière minute. Ou presque. Avec ce sentiment d’urgence.
Et de sursis, surtout. Puisque tout ne résume qu’à cela. Le sursis. Ou presque. Je suis
allée me promener dans les salles rouge, bleue et verte du Grand Palais en
passant par un escalier décoré d’arabesques, de verre et de marbre. Un mercredi
après-midi de janvier 2008. En sortant du travail. La musique criait trop fort dans mes oreilles. Elles aussi, en sursis. Ma peau se congelait dans mes collants noirs. Et mes genoux se dérobaient à mes pas. Les idées ailleurs, du côté du Pont Alexandre III, tout proche. Et puis. J'ai usé de certains privilèges. Ai coupé la file. Gravi quelques marches. Répondu aux salutations des vigiles d'un air absent et pressé. Et. J’ai
raccroché mes yeux aux 120 peintures présentées. A loisir… portraits, paysages,
marines, natures mortes. A la trentaine d’œuvres graphiques, originales pour la
majorité et à près d’une soixantaine de photographies d’époque qui rythment l’exposition.
(Nadar, Le Gray, Le Secq…)
Il y avait foule.
Toutes générations confondues. Et je n’aime guère les attroupements. J’ai donc
glissé entre les groupes pour me suspendre aux toiles. D’emblée, les
commissaires d‘exposition ont choisi d’exposer les portraits, et plus encore,
les autoportraits. Avec cette toile saisissante qui a été reprise sur les
affiches publicitaires. (image ci-dessus) Le désespéré, 1843-1845, annonce
le cartel. Tout est novateur dans ses autoportraits. Evidemment, de tout temps,
il a toujours été plus aisé de jouer avec sa propre image qu’avec celles des
commanditaires, célébrités, amis et proches qui vous confient le soin de les
reproduire. Alors Gustave Courbet ne s’est pas privé d’expérimenter. Lumière.
Cadrage. Pause. Tout est revisité. Le résultat en est touchant. Emouvant.
Captivant. Presque dérangeant. Une invitation à explorer l'âme tourmentée de cet artiste romantique à travers le regard de ce bel homme. Au regard
fou, et tellement humain.
D’une salle à l’autre,
j’identifie les toiles dont j’ai étudié la genèse, la composition, les couleurs.
Entre deux morceaux de musique, j’écoute et observe. Les gens montrent du
doigt L’enterrement à Ornans qui avait fait scandale au Salon de 1850-1851
pour la trivialité des visages, la laideur diront certains, pour le choix des
dimensions de la toile. Une toile monumentale qui était alors réservée aux
représentations de sujets dit nobles, comme les scènes historiques. (A l'époque, Courbet est fortement discuté. Certaines années, l'entrée du Salon des Refusés lui est interdite. Belle revanche aujourd'hui. Le voilà aujourd'hui salué, admiré, copié. Au-delà de bien des peintres de son temps, ultra classiques et conservateurs.) D’autres plus
loin, décomposent L’atelier du peintre (1855). S’immobilisent
devant Les baigneuses (1853) autre scandale du Salon de cette année là. Des mamies expliquent à leurs petits enfants,
que dans le tableau intitulé La rencontre, le monsieur au sac à dos n’est
autre que Courbet, lui-même… Je me demande si elles les laisseront voir, à l’étage
du dessus, des oeuvres somme toute moins romantiques et plus crues que ces
créations de jeunesse. Car L’origine du monde (1866) est bien là.
Cachée dans une petite salle en arc de cercle à l’entrée de laquelle les
spectateurs sont mis en garde. Attention à la sensibilité de certains. Certes...
Les truites, bouquets et autres scènes de chasse qui succèdent aux tableaux dits
érotiques rassureront les plus puritains.
Assurément, une
belle exposition. Riche. Variée. Des portraits, aux séries des « vagues » en
passant par les paysages, c’est tout le monde du peintre qui a résolument
bousculé l’histoire de l’art et déposé son empreinte qui s'esquisse. On découvre de toiles en toiles son désir
sous-jacent de s’inscrire dans le réalisme, de faire vibrer sa peinture et son génie pour à la fois figer et restituer le mouvement. Ses personnages semblent prêt à se mettre en marche. Troublant.
Autre petit plaisir dans ce dédale au musée, suivre l’évolution de la signature de l’artiste.
Petit rien qui m'amuse. Comme me noyer dans le sépia des premières photographies. Dont la fameuse Grande Vague de Le Gray, vendue à plus de 460 000 livres début 2000. Plonger dans le regard de Charles Baudelaire immortalisé par Nadar. Et détailler les cadres brodés de motifs. Ah, le XIXe siècle… et sa conception du luxe et de la beauté... Je me moque gentillement...
J’ai fait le tour de l'exposition plus vite que beaucoup. Certes. Mais j’ai emmagasiné ma dose d’émotions devant
ses œuvres. Pas besoin de commenter des heures une touche de pinceau pour en saisir le sens, la volonté et l'émotion. Seulement
de la ressentir...
Le bord de la mer à Palavas (1854)
A quoi sert la vie si les enfants ne font pas plus que leurs pères ?