You and Whose Army? de Radiohead fait l’ouverture d’Incendies, œuvre puissante, saisissante, renversante. Dès ces premières notes, en une plongée sombre dans le regard d’un enfant (victime, bourreau et pivot du récit), s’esquisse le meilleur : une présence, un ton, un drame à venir. Pas étonnant que le film représente le Canada aux Oscars, et qu’il fasse l’unanimité un peu partout dans le monde (Toronto, Halifax, Venise, Telluride) tant il a à offrir comme profondeur et noirceur, dans sa construction tout en ellipses d’abord, dans ses dédales de réflexions ensuite. Le récit, fictionnel jusque dans l’Histoire (cette guerre et ce pays non identifiés), appelle pourtant à l’universalité- dans ses enjeux, dans ses perspectives. Au travers du destin tragique de cette femme (sublime Lubna Azabal), livré en puzzle de vie à double intérêt (la quête des protagonistes, et la découverte simultanée du spectateur), Villeneuve offre à penser : le poids des non dits, l’importance des origines, la plénitude dans le pardon, la paix dans la vérité. Son scénario est millimétré, maîtrisé, cruel dans l’implacable fatalité qu’il met en place et à laquelle personne ne rééchappe. Le fond du sujet, lui, est cru, violent, d’une horreur bouleversante. Une équation mathématiques (ici fil rouge latent du cinéaste) d’une terrifiante méchanceté, qui coupe le souffle, fait naître les cris (de bébés, de surprise, d’adultes et de choc), pour finir dans un silence post dramatique. Le calme après la tempête. Les cendres muettes après l’incendie brûlant. Le repos de la mort après la fureur de vivre, et de se battre. Et tout cela à l’intérieur d’un seul film. Chapeau bas.
(France: janvier 2011)