Bouquins historiques

Publié le 07 octobre 2010 par Toulouseweb
De saines lectures de qualité, de toutes espčces.
** Pour les nuls. Devenue une institution, la collection jaune et noir Ťpour les nulsť (First Editions) s’est enrichie d’un volume que l’on est tenté de qualifier d’inattendu, ŤL’Histoire de l’aviation pour les nulsť, de Philippe Benhamou. Rien de tel n’avait été publié précédemment, le classicisme ayant prévalu depuis Henri Bouché et Charles Dollfus, jusqu’ŕ René Chambe, Edmond Petit et de nombreux autres volumes, tous imposants, bien faits mais, autant le dire franchement, un peu ennuyeux sur base de nos critčres actuels.
Ici, l’auteur est du sérail (il est ingénieur ŕ l’Onera) mais ne fréquente pas les chapelles habituelles. Du coup, il s’affiche Ťdifférentť (voyons cela comme un compliment) et capable de retenir l’attention du lecteur. Le néophyte y trouve son compte, dans la mesure oů tout est clair, bien dit et ne repose en aucun cas sur un encombrant sensé connu. Le connaisseur, lui, est un peu bousculé mais cherchera vainement la plus petite erreur. La table des matičres est détaillée, l’index des noms cités bienvenu, les renseignements pratiques nombreux et corrects. Les pointes d’humour passent bien, sans exagération, et le tout tient en 350 pages. Une réussite.
** Collection blanche. C’est exceptionnel ! Evoquer ici un fort ouvrage de 550 pages publié dans la collection blanche de Gallimard. Il s’agit du récit ŤLe Sičcle des nuagesť de Philippe Forest, une histoire familiale qui est aussi celle de la seconde moitié du sičcle dernier. L’écrivain évoque la vie, la carričre exemplaire de son pčre, Jean Forest, depuis la drôle de guerre et l’aéro-club de Mâcon, sa formation de pilote de chasse aux Etats-Unis jusqu’aux longues années Air France.
C’est de l’aviation, bien sűr, mais aussi de la littérature ŕ l’état pur, une réflexion par petites touches sur une époque tout ŕ la fois encore trčs proche en męme temps que révolue. Philippe Forest a déjŕ beaucoup publié (romans et essais) et a été distingué jeune, en 1997, par le Femina du premier roman. Sa présence ici est d’autant plus remarquable.
** Immortel ŤConstelť. Le pari était audacieux : encore un livre sur un appareil mythique, un beau livre grand format, ŤLa légende du Constellationť, publié chez Privat. Qui plus est avec de nombreuses pages consacrées plus particuličrement ŕ l’un d’eux, celui remis en vol aux couleurs de Breitling. André Rouayroux connaît son sujet, il a réuni une iconographie de qualité, de nombreux documents sont de grande qualité et l’impression est irréprochable. Le tout agrémenté de deux courtes préfaces, l’une de Jean-Cyril Spinetta, président d’Air France-KLM, l’autre d’un comédien-pilote américain et célčbre, John Travolta.
Rien de Ťpeopleť pour autant. Ce n’est pourtant pas une monographie ŕ l’anglo-saxonne mais un récit dans lequel Air France a d’ailleurs la part belle. Au fil des premičres pages, on croise de grands personnages comme Kelly Johnson, tout jeune, en 1943, lors du premier vol du gros quadrimoteur long-courrier, né militaire, immortalisé civil. En début de carričre, Johnson dessinait déjŕ des avions extraordinairement élégants, il était devenu trčs tôt la valeur montante du bureau d’études californien de Lockheed. Aprčs les débuts sous l’uniforme défilent les livrées civiles, y compris celles de grandes compagnies aujourd’hui disparues.
Bien sűr, en ce temps-lŕ, celui qui a précédé les premiers jets, les voyageurs au long cours traversaient l’Atlantique ŕ 435 km/h, en demandant de sérieux efforts d’endurance aux moteurs Curtiss-Wright ŕ 18 cylindres en double étoile de 3.250 ch chacun
Le regard s’arręte sur quelques images qui, plus que d’autres, évoquent une époque déjŕ oubliée. On y voit de confortables sičges couchettes, du music-hall de haute altitude, les mets raffinés servis ŕ bord du Parisien Spécial, des affiches qui étaient aussi des œuvres d’art. Heureuse époque !
** Vous avez dit Renard ? Dans un tout autre registre, mais toujours historique, une nouveauté belge mérite une mention particuličre. Sous le sobre intitulé ŤRenard R-36/37/38 & 40ť, il s’agit, en 120 pages trčs richement illustrées, de la saga des avions de chasse conçus par l’ingénieur Alfred Renard. A défaut de mention d’éditeur, on imagine que ce livre est publié ŕ compte d’auteur et qu’il faut se rendre ŕ la boutique du musée de l’Armée de Bruxelles pour se le procurer.
Ces Renard étaient de bien belles machines de la génération du Dewoitine D 520, elles aussi lancées trop tard, et qui ne joučrent pas le rôle opérationnel qu’elles auraient sans doute mérité dans les premičres heures de la guerre. L’auteur, Nicolas Godfurnon, a retracé la genčse et la courte carričre de ces appareils apparus ŕ partir de 1937, ensuite oubliés, eux et leurs vaillants pilotes.
Les photos, forcément rares, sont de qualité et accompagnées de plans venus tout droit des ateliers de la rue Jules Bordet, en bordure de l’aérodrome d’Evere-Bruxelles. Un autre monde, lointain au propre et au figuré, et pourtant trčs proche.
Pierre Sparaco - AeroMorning