C’est dimanche, comme d’autres vont chez Ikéa, je me rends au centre Pompidou. Grave erreur, pour la énième fois je me retrouve devant les œuvres d’Arman. Ne sois pas snob, me direz-vous, il y a surement des gens qui ne connaissent pas encore cet artiste. Certes, mais en ce qui me concerne c’est l’overdose. Je décide alors de m’intéresser à autre chose qu’à l’artiste, tâche ardue dans une exposition monographique. Pourtant un cartel m’interpelle. Il y est indiqué que je suis en train de regarder une machine construite par « l’atelier des œuvres électriques » et suivent même les noms des personnes de cet atelier. Ce type de cartel est très rare me semble-t-il.
Quelques jours plus tard, je me retrouve avec l’une des personnes mentionnées sur ce fameux cartel qui n’est autre que le créateur-concepteur de la machine en question qui se trouve dans l’exposition Arman. Ce dernier accepte de m’expliquer de quoi il s’agit.
La machine, vue de l'exposition, Centre Pompidou
Plantons le décor, nous sommes en juillet 2010, notre homme assiste à une première réunion au cours de laquelle il apprend qu’il devra « faire bouger un rouleau » au cours de la prochaine exposition.
Peu à peu, les choses se précisent, le rouleau est en fait un poème, œuvre ultime de Yves Klein conçue avec Arman, qui doit être déroulé d’une cimaise.
Néanmoins, on découvre qu’Yves Klein, avant de mourir, avait fait construire une machine qui servait à dérouler le poème mais aucune trace ne subsiste. Les commissaires de l’exposition décident qu’il faut également créer une machine pour que le poème soit déroulé pendant toute la durée de l’exposition conformément à la volonté de l’artiste.
Notre ingénieur de haut vol réfléchit à la question et pond une étude pointue sur la future machine. Tout est validé, les pièces arrivent petit à petit et la construction avance. Toutefois, les commissaires s’aperçoivent que la machine est trop grosse et qu’un vrai problème se pose.
La machine va entrer en concurrence avec les œuvres d’Arman par sa taille et la visibilité de son mécanisme. Horreur, la machine deviendrait une attraction !
Les choses se compliquent pour notre valeureux technicien qui me confie que « fabriquer une machine à Beaubourg relève presque du miracle ». En effet, les imbroglios administratifs s’ajoutent à une capacité d’inertie généralisée et à un pessimisme galopant donnant naissance à des situations d’une absurdité déconcertante. Mais notre inventeur ne se laisse pas décourager même lorsqu’il apprend qu’une partie des 17 rouleaux devant servir au déroulement du poème ne pourra pas être livrée à temps. N’écoutant que son courage, il redessine les plans de la machine et, par conséquent, la restructure totalement en moins d’une semaine.
A J- 5, la machine est techniquement au point. Cependant, il reste d’importants réglages qui vont occuper notre téméraire constructeur jusqu’au jour du vernissage.
Finalement, comme vous le voyez sur les photographies, l’impressionnant mécanisme est caché, du contre-plaqué le recouvre, et cette incroyable machine, loin d’être une attraction, passe presque inaperçue.
Toujours est-il qu’à présent vous connaissez la vérité et peut-être que comme moi, vous vous dites que dans l’art, heureusement, il n’y a pas que des artistes.
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exposition Arman
jusqu'au 10 janvier 2011
Galerie 2, Centre Pompidou
www.centrepompidou.fr