BABA BLING, signes intérieurs de richesse, exposition au Musée du Quai Branly

Publié le 08 octobre 2010 par Mpbernet

Bien peu de Français savent spontanément situer Singapour sur une mappemonde.
En revanche, chez les personnes "branchées" - ou qui pensent l'être - Singapour traîne une sale réputation, j'en ai pour preuve une réflexion très sévère émanant d'un caissier de la librairie La Procure dans la bouche duquel j'ai tout de suite entendu fuser le mot "dictature"....
Quelle méconnaissance de la réalité, quel jugement "à l'emporte-pièces"...Il y a donc un grand effort à faire pour mieux communiquer. A Paris, cet automne, Singapour a choisi de montrer sa culture spécifique, celle des Babas (hommes chinois) et des Nonyas (leurs épouses), celle de son peuple "né ici"(traduction en langue malaise : Peranakan), comme on pourrait parler de la culture sabra en Israël. Et la comparaison n'est pas si absurde.
Géographiquement, Singapour est situé au centre d'une zone politiquement instable et spirituellement hostile. Ce qui explique partiellement que son régime politique ne soit pas à 100% démocratique, au sens où nous l'entendons en Europe occidentale. Peuplée à 75% d'immigrants d'origine chinoise, elle a intégré des populations malaises et indiennes, mais surtout, dès le XIXème siècle, s'est lancée dans le commerce international selon les normes occidentales, tout en conservant ses attaches culturelles et ses religions d'origine. C'est aujourd'hui un havre de prospérité économique et financière qui attire de plus en plus de compétences ...et de convoitises.
L'exposition qui nous est proposée au Musée du Quai Branly met en valeur l'art de vivre de la communauté Peranakan. Ces populations issues d'unions d'immigrés chinois, de marchands indiens et de femmes malaises ne sont pas seulement installées à Singapour, mais aussi tout au long du détroit de Malacca, depuis Penang en Malaisie jusqu'à Java et au-delà. )

Mais c'est bien l'Etat de Singapour qui revendique hautement aujourd'hui, comme un élément fort de cohésion sociale, cette culture d'assimilation, et nous en avons pris conscience sur place, en particulier au Musée des civilisations asiatiques auquel appartiennent ces splendides objets.
L'art de vivre péranakan est plein de charme. A travers le mobilier - et en particulier l'inévitable autel des ancêtres qui trone au centre de l'appartement - les particularités de la gastronomie, la mode féminine - car très vite les singapouriens hommes ont adopté le costume occidental - les bijoux, la porcelaine, les rites de mariage, la religion...nous apprenons à aimer ce peuple industrieux, bienveillant, sérieux et gastronome, pour lequel la réussite intellectuelle des enfants est l'objectif de toute une vie...avec la réussite financière.
A ne pas manquer : les superbes tenues nuptiales brodées de perles - une façon pour les belles-mères de tester la qualité de leurs futures brus - les portraits de famille, l'autel chinois transformé pour une famille catholique, les bijoux ciselés (ceintures en or et diamants, suites de trois broches destinées à fermer le chemisier porté au-dessus de la jupe sarong), les motifs batik..mais gardez-vous d'acheter quoi que ce soit à la boutique du musée : les pièces de batik coûtent ici 65€ alors qu'à Singapour, vous trouverez les mêmes à partir de 18 dollars singapouriens ou 9€ !
En sortant de là, on trouve tout à coup qu'il fait bien froid ici ! Et que c'est dommage de ne pas voir ces adorables maisons péranakan, sagement rangées le long de la rue, avec leur façade ouvragée et multicolore....Plus que quelques semaines à attendre !

Exposition au Musée du Quai Branly jusqu'au 30 janvier 2011.