Le système du Docteur G…..

Oh brave new world ! (3 )

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Ministère de la Justice et de la Protection des populations
Direction des affaires Pénitentiaires

Rapport au Ministre sur le système du Docteur G…..

Excellence,

Conformément à vos directives et avec l’accord de vos estimés collègues, leurs Excellences les Ministres de l’Intérieur et de la Santé, et le soutien de leurs services, le système du professeur G….. a été expérimenté en Grande Patéride. Les conditions dans lesquelles a eu lieu l’expérience ont permisd’en apprécier au mieux l’efficacité :
-   La structure de la population de cette île est très proche de celle du continent,
-   Sa configuration géographique permet d’en contrôler aisément les accès
-   Ses autorités civiles, militaires et judiciaires, favorables au projet dès l’origine, ont coopéré pleinement à l’expérience.
Il convient d’ailleurs de féliciter tout particulièrement Monsieur le Préfet de Province et Madame la Présidente de la Junte dont l’action, en direction de la population, a été déterminante, tant au moment du lancement de l’opération que pendant son déroulement. Une liste des fonctionnaires, des membres des professions médicales et médiatiques et de divers citoyens qui se sont distingués par leur engagement en faveur de la réussite du projet, est jointe à ce rapport. Le Comité de Suivi vous suggère respectueusement de reconnaître le zèle dont ils ont fait preuve par des récompenses appropriées. Nous avons pris la liberté de signaler les personnalités pour lesquelles une nomination ou une promotion dans l’Ordre de Saint Acouphène, seraient considérées comme pleinement satisfaisantes et de nature à renforcer leur loyauté envers le Gouvernement.

L’expérience s’est déroulée sur une durée de trois ans. L’insertion au niveau sous-cervical des puces de contrôle sur la totalité des habitants de l’île a été réalisée en un peu moins de deux mois. Le prétexte invoqué: l’immunisation de la population contre une épidémie de fièvre méningée propagée par un moustique tropical arrivé dans l’île à la faveur du changement climatique, a été parfaitement admis. La procédure de garde à vue, avec les divers prélèvements qu’elle autorise, a permis d’équiper les rares réfractaires sans qu’ils puissent s’y opposer.  Pour finir, une vaste campagne d’information a sensibilisé la population au déroulement de l’expérience et à ses enjeux.
C’est alors, et alors seulement, que les détenus des trois prisons de l’île ont reçu leurs colliers pénitentiaires dont il n’est pas inutile de rappeler ici, brièvement, le fonctionnement :
Chaque collier  est programmé pour, agir tout au long de la peine infligée aux personnes condamnées par nos tribunaux. Il est équipé d’un analytico-palpeur qui reconnaît immédiatement la nature de tout objet saisi par son porteur et alerte le poste de surveillance le plus proche s’il identifie une arme ou tout ustensile pouvant en tenir lieu. Le surveillant de service peut aussitôt activer la fonction paralysante qui immobilise le délinquant en agissant sur son système neuro-musculaire. Elle est désactivée une fois les forces de l’ordre au contact  avec l’individu concerné. Une seconde fonction, générant des crampes et des démangeaisons insupportables, s’active automatiquement si le condamné tente d’approcher un citoyen porteur d’une puce ordinaire à une distance inférieure à dix mètres, un pas en arrière suffit à la désactiver. Cette distance est portée à quinze mètres s’il s’agit d’un autre porteur de collier. Quant aux individus, considérés comme les plus dangereux, leur système se déclenche dès qu’ils franchissent une limite fixée à cinquante mètres. Elle se désactive automatiquement, une fois la distance de sécurité rétablie. En conséquence, les prisons, désormais ouvertes, sont équipées de salles spéciales, appelées Magasins Réservés. Seuls les porteurs de colliers y ont accès. Ils y reçoivent, selon un emploi du temps fixé par l’administration, l’alimentation et les produits nécessaires à leur survie.
Après une période de réglage qui n’a pas excédé deux mois et au cours de laquelle on n’a eu à déplorer que trois incidents mineurs, l’expérience s’est déroulée sans aucun accroc. On peut aujourd’hui en tirer les conclusions suivantes :
-   Les économies en terme de personnel sont extrêmement importantes. La surveillance étant devenue inutile, le rôle des agents se limite désormais à la pose, à la maintenance et au retrait des colliers. L’objectif de réduire de plus des trois quarts les effectifs est réalisable à très court terme. L’approvisionnement et le fonctionnement des Magasins Réservés pourront, sans inconvénient, être délégués au privé. Un essai a eu lieu en collaboration avec la chaîne de discount Promag. Il s’est révélé concluant. Cette entreprise s’est d’ores et déjà portée candidate pour la gestion d’autres sites, deux de ses concurrents ont fait savoir qu’en cas d’ouverture de ce marché, ils participeraient, eux aussi, aux appels d’offre.
-   L’intérêt majeur, à la fois inattendu et très positif de l’opération n’est, cependant pas là. Nous avons constaté qu’au bout d’une période moyenne de dix-huit mois, les  porteurs de colliers cessent progressivement toute activité. En même temps, ils réduisent volontairement les rations, pourtant copieuses, auxquelles ils ont droit et finissent par arrêter de se nourrir. Ce processus s’achève par la mort du sujet. L’administration ne peut être tenue pour responsable de cette issue puisque, à tout moment, l’individu peut, s’il le souhaite reprendre une alimentation normale. Intervenir serait d’ailleurs contraire à l’article III de notre Constitution qui interdit aux organismes d’état d’intervenir dans la sphère privée des citoyens Poldaves, sphère dont l’alimentation fait, évidemment partie. Cet argument a été opposé avec succès aux membres de certains groupes, à vocation prétendument humanitaire. Dans les faits, et cela doit seul être pris en compte, cette éradication naturelle des fauteurs de trouble a entraîné une chute rapide de la délinquance. Les statistiques jointes en annexe B en apporte la preuve incontestable.
Il semble que l’impossibilité de communiquer avec leurs semblables devienne rapidement insupportable aux condamnés. Ceux d’entre eux qui ont survécu jusqu’au moment où, leur peine étant achevée, on les a débarrassés de leur collier, ont fait de leur expérience, une description si épouvantable qu’elle a participé sans aucun doute au caractère dissuasif de cette  nouvelle méthode.
Je ne puis donc que recommander à votre Excellence l’extension du système G….. à l’ensemble du territoire national moyennant quelques adaptations (surveillance des frontières, application aux mineurs de moins de douze ans…) qui feront l’objet de notes actuellement rédigées par mes collaborateurs et qui vous seront communiquées sous huitaine.
Veuillez agréer, votre Excellence, l’expression de mes sentiments respectueux.

Samson Verdougueau
Chargé de Mission Interministériel

Chambolle