Par Stéphanie Hochet - BSCNEWS.FR / Dans ce premier roman, Mischa Berlinski (Editions Albin Michel) a élaboré un matériau romanesque comme un anthropologue travaillerait à son champ d’action. Délimitant son périmètre d’étude, il en a observé les peuplades et construit une intrigue. Il existe dans les montagnes du nord de la Thaïlande une tribu : les Dyalos – ou plutôt il existe dans le roman de Berlinski une tribu qui vivrait dans le Nord de la Thaïlande, puisque les Dyalos n’existent pas. Une jeune métis, Martiya, fille d’un professeur de linguistique hollandais (Van der Leun), se passionne pour ce peuple, part vivre dans un de leur village, est accueillie dans la hutte d’un vieux pétomane, étudie les mœurs, les tabous, la langue dyalos, rédige tout un travail universitaire et commet un crime. De quel crime s’agit-il ? L’assassinat d’un jeune missionnaire chrétien : David Walker. Mischa, un jeune journaliste américain récemment installé en Thaïlande devra en savoir plus s’il veut rapporter cette histoire au Bangkok times. Le nord de la Thaïlande, près de la frontière birmane, est une féérie qui laisse le narrateur ébaubi mais chez Berlinski, l’émotion n’est jamais éloignée d’une ironie délicieuse. Mischa part interroger l’ex petit ami de la criminelle puis la famille de David Walker. Interroger une mère sur le meurtre de son fils est une opération délicate, un peu comme retirer un cil de l’œil d’un enfant, estime-t-il. Dans ce roman, tout est à l’avenant, étrange et troublant. Une Thaïlandaise espiègle ressemble au Yoda de la guerre des étoiles et parle comme lui, en inversant l’ordre de la syntaxe, un homme dyalo a les traits de George Washington, les halos de brume d’une beauté magnifique au dessus de la ville de Chiang Mai sont en réalité des ronds de fumée qui émanent d’une décharge publique… Sous la plume de Berlinski, les apparences trompent et amusent.
C’est sans doute ce peuple, les Dyalos, qui est au centre de ce livre, le personnage dirait-on de cette œuvre. Un peuple dont le nom a été formé sur la racine dyal, qui fait référence à la cérémonie de la plantation du riz. Tout un rite, cette plantation du riz. Le village s’y prépare au long de l’année, les codes sont compliqués, matériau riche qui avait fasciné l’anthropologue Martiya. Et si le crime avait été fomenté au nom du respect attaché à cette tradition ?
Tous les ingrédients du page-turner sont là.
Albin Michel. Mars 2010.
Traduit de l’américain par Francis Geffard ( Photo D.R)