tandis que je slalomais entre les voitures, les vélos, les piétons, les terrasses de café, les badauds, les crottes de chien, les cadavres de churros et les flaques de vomi de ces adolescents qui aiment se mettre l'estomac à l'envers après avoir ingurgité une bouteille de vodka, un peu comme ça,
je me suis engagée, oui, tu as bien lu, engagée sur le trottoir qui me permet de rejoindre mon immeuble.
Il se trouve que ce trottoir est également une espèce
De ce fait, lorsque j'aperçois cette voiture immatriculée dans un autre département qui s'engage sur le trottoir, et qui ne ralentit pas spécialement en me voyant marcher avec mon petit bonhomme, j'ai soupiré un peu trop visiblement avant de me pousser pour laisser passer ledit véhicule. Ben ouais, ça me gonfle prodigieusement qu'on me fonce dessus, d'autant plus qu'un abruti de teenager à vélo venait juste de manquer de renverser mon Chacha alors que j'étais sur un passage piéton, bordel. Donc, j'en avais, comme qui dirait, ras le pompon de ce manque de respect notoire, assumé et décomplexé.
(on pourrait croire, à première vue que les ados me sortent par le nez, pas du tout, ce sont surtout les parents qui les éduquent - ou pas!)
Sache qu'il est très dangereux pour ton intégrité de manifester publiquement ton mécontentement en soupirant. Car la vitre du passager s'est baissée à mon passage et un monsieur m'a tendu sa carte bleu, blanc, rouge. Et Monsieur l'agent de la police nationale, un inspecteur en civil, m'a fait la leçon parce que je n'avais pas à soupirer devant sa voiture banalisée, qu'il était sur une voie de circulation et qu'il était dans son droit. J'ai beau respecter ce corps de métier, je dois avouer que le ton condescendant de Monsieur l'Inspecteur m'a franchement déplu. J'ai donc argumenté très poliment que le piéton était avant tout prioritaire, que je ne suis pas censée deviner qu'il s'agit de la police et que, s'il y a urgence, il suffit de sortir le gyrophare. Moi, quand je vois le gyro, je bouge mes fesses illico.
Ben il n'avait pas l'air très convaincu ni très content, Monsieur l'Inspecteur, je dirais même que si je ne m'étais pas éclipsée vite fait, j'aurais fini en garde à vue.
Dans ma grande naïveté, je croyais qu'on pouvait discuter avec les autres êtres humains, quels qu'ils soient, et même être en désaccord, du moment que la politesse et la courtoisie sont de mise. Monsieur l'Inspecteur s'est senti "agressé" par mon soupir, il n'a pas compris que moi, je me suis sentie agressée par sa voiture, qui est quand même un poil plus dangereuse que le souffle qui sort de ma bouche (sauf éventuellement au réveil, je veux bien te l'accorder, je fais concurrence à une horde de poneys, mais là n'est pas le sujet). Mais enfin, on peut discuter quand même, non? Pourquoi ce besoin impérieux de me sortir sa carte histoire de me replacer vite fait au rang de citoyen lambda qui ne détient pas le pouvoir? Zut, quoi!
Le point positif dans tout ça - quand même - c'est que moi aussi j'ai une carte bleu, blanc, rouge. Eh ouais... Donc, si tu n'es pas d'accord avec mon billet, ben tu te tais, c'est comme ça. Quand je pense à toutes ces années perdues à discuter avec les gens alors que j'aurais pu leur fermer le clapet chaque fois!
(ah merde, j'ai bien la carte, mais c'est pas le même ministère, pas grave, je ferai du bluff!)
Nan mé ho!
(c'est vrai, quoi, c'est super agressif une voiture qui te fonce dessus, nan?)