L’Iran est loin d’être mon domaine d’expertise, mais depuis quelque temps le cinéma iranien se fait de plus en plus présent dans les films que je vois. A une époque, j’aurais sûrement été incapable de citer des films iraniens qui ne soient pas réalisés par Abbas Kiarostami ou un membre de la famille Makhmalbaf, or ces douze derniers mois, l’émergence d’un cinéma iranien jeune et vif a trouvé sa place dans les salles françaises. Des films, comme A propos d’Elly, Les chats persans ou Téhéran, qui sous couvert d’un style plus populaire que ce à quoi nous a habitué le cinéma iranien, parlent avec audace et courage de leur pays, plus particulièrement des maux de leur société.
Le documentaire Bassidji a été tourné il y a près de trois ans, avant qu’Ahmadinejad ne soit réélu avec la controverse que l’on connaît, et il fait un intéressant contrepoids avec les fictions précédemment citées. Mehran Tamadon, le réalisateur, se penche du côté des oppresseurs plutôt que de celui des victimes du pouvoir. Non pour en faire l’apologie (heureusement ?), mais plutôt pour prendre le pouls de ces hommes qui soutiennent bec et ongle le système iranien qui place l’autorité religieuse au-dessus de tout, et sont prêts à justifier toutes les dérives sociétales d’un pouvoir à la main dure.
C’est là justement tout le contrepoids fascinant, d’aucun diraient inquiétants, avec la facette de l’Iran que l’on découvre dans les films comme Les chats persans ou A propos d'Elly. Ce sont véritablement deux mondes différents coexistant dans un même pays. Celui de l’ouverture au monde, du désir de sortir du carcan religieux qui maintient un peuple non consentant dans un état social dicté par des lois morales d’autres siècles. Et le monde des bassidji décrits par Mehran Tamadon, ceux qui justement font perdurer cet état d’esprit difficile à accepter pour un esprit occidental moderne, mais également pour tout un pan de la population iranienne, cette vision des relations homme/femme, cette place de la foi et de la religion dans la vie quotidienne. Ce culte voué à l’ordre religieux qui dépasse les droits des individus et régissent la vie de chacun qu’il le veuille ou non.
Le documentaire a en outre cela d’intéressant que son réalisateur est un iranien à la culture européenne, qui arrive à se faire accepter des bassidji de par ses origines nationales et son désir sincère de découvrir de plus près cette vision du monde qui aurait pu être la sienne. Le statut de Tamadon lui confère une proximité avec son sujet qui lui ouvre des portes et lui permet de poser des questions et de voir des choses qu’un non-iranien n’aurait sûrement pas eu l’occasion d’apporter.