L’eau qui passe polit le dos des cailloux
Dans le lit des rivières que le temps creuse.
Dans son lit le caillou fatigué se souvient
De la main de l’eau qui caressait son dos.
L’eau qui passe use le dos des cailloux
Des rivières fatiguées que le temps creuse
Sans jamais se fatiguer.
Rivières verticales
Rivières horizontales
Rivières compliquées
Qui tracent sur mon visage
Une carte du temps
Le temps qu’il faisait hier ou avant-hier.
Le temps qu’il faisait lorsque j’avais dix ans.
Sur ces berges arides il y avait trop de larmes
Et la rivière a débordé.
Sous ce pont suspendu, qui dort tranquille,
Vous trouverez un bébé,
Un enfant qui joue,
Les yeux noirs de la colère.
En regardant vers la gauche,
En vous penchant un peu,
Vous verrez remonter du fond de cette gorge
Les dernières heures d’une nuit blanche,
Le parfum gris du tabac blond.
Ici, soyez très prudents.
Cramponnez-vous à la barrière !
Ce gouffre est dangereux.
Vous pourriez y laisser
Les meilleures années de votre vie.
Mais si vous allez plus loin vers le contour des yeux.
Vous passerez sous l’ombre bleue d’un arbre
Planté au milieu d’un champ de cheveux blonds.
Vous verrez de la neige et du froid
Des dunes rouges que le vent soulève
Et des nuages pour regarder le ciel.
Je cherche une eau bleue pour remplir ces rivières.
Une eau gorgée de gouttes de soleil.
Je voudrais fabriquer des souvenirs heureux.