Larry Clark veut que son travail sur les adolescents, de Tulsa ou de L.A., soit un miroir, un lieu où les teenagers puissent se reconnaître, entre document et fiction, entre vécu et construit. Lui-même, nostalgique d’être passé à côté de sa propre adolescence, semble n’avoir pu faire ce portrait de manière forte qu’une
Attendez, c’est bien de l’exposition Larry Clark au MAMVP (jusqu’au 2 janvier), de l’exposition interdite aux moins de dix-huit ans par la Mairie de Paris que vous nous parlez là ? De cette exposition scandaleuse, pornographique, pleine de scènes de sexe que nos édiles bien-aimés ont censurée pour protéger la jeunesse de ses méfaits ? Eh oui, il n’y a pas de quoi fouetter un chat dans cette exposition : pas mal de corps nus, un ou deux pénis en érection, une vulve en gros plan acrobatique, quelques masturbations, deux ou trois scènes de pénétration photographiées de loin, corps emmêlés, sexes invisibles, rien de plus que ce qu’on peut voir partout en deux clics. Ah oui, j’oubliais, un insolent qui montre ses fesses aux passants. Pas mal de scènes de drogue aussi, assez dures parfois, ce sont elles qui m’ont le plus ébranlé, mais ça m’est sans doute particulier; deux ou trois femmes battues; une série sur la strangulation simulée; et beaucoup de jeux avec des pistolets. En niant la dimension poétique de ce travail, en le considérant d’un point de vue légal comme de la pornographie, Bertrand Delanoë et Christophe Girard, son adjoint à la culture, ont fait preuve d’une frilosité puritaine et peureuse qui laisse pantois. Comme le rappelle un tract de l’Observatoire de la Liberté de Création diffusé à l’entrée, la loi pénale qu’ils ont utilisée comme prétexte a été transformée de ce fait par eux en loi de censure préalable. Ce sont eux qui ont désigné le travail de Larry Clark comme pornographique, en refusant de prendre le moindre risque, en ne faisant preuve d’aucun courage. Puisqu’ils citent le précédent de l’exposition ‘Présumés Innocents’ à Bordeaux, il faut rappeler que, à ce jour, aucune procédure (même si elle fut pénible et longue) contre des oeuvres d’art fondée sur ces articles (lois de 1994 et 2007) n’a abouti à une condamnation. Les juges seraient-ils de meilleurs défenseurs des libertés que nos élus (qui, certes, ont beau jeu de renvoyer à Stéphanie Moisdon, inculpée à Bordeaux, la censure qu’elle -même exerça envers David Hamilton à Lyon) ? Et rappelons quand même que le maire Alain Juppé n’interdit pas l’exposition de Bordeaux, malgré la pression des associations intégristes. En somme, du tandem Delanoë-Girard, il restera, sur le plan culturel, le fiasco du 104 et la censure de Larry Clark…Cherchons plutôt le courage du côté du privé, et non pas de ces élus timorés.
Comme le catalogue est édité à Londres, et non pas par Paris-Musées, en réponse à ma question sur ce point, Christophe Girard répondit que Paris-Musées était une société de droit privé, libre de ses actions et que la Ville de Paris n’avait rien à voir là-dedans…Quelle hypocrisie !
* Je ne sais si c’est le cas des deux censeurs de l’Hôtel de Ville; peut-être ceci expliquerait-il un peu leur insensibilité à l’adolescence. Dans le dossier spécial de Libération de ce jour (couverture, plus trois pages; bravo !), Larry Clark déclare : “J’ai tendance à considérer que c’est leur problème avec l’adolescence qui s’exprime par ces accusations.” J’ai écrit que j’aurais emmené mes trois enfants sans aucun problème voir cette exposition à l’âge de 14/17 ans; ayant vu l’exposition, j’en suis encore plus convaincu. J’aurais même ressenti comme un manque le fait de ne pas pouvoir la leur faire visiter.
Mon billet précédent sur Larry Clark a été lu, au moment où je mets ce billet en ligne, 37 732 fois.
Photos courtesy of the artist, Luhring Augustine, New York and Simon Lee Gallery, London. Photos 5, 6 et 7 de l’auteur. Photos 2, 3 et 4 courtoisie du MAMVP.