Et si la proposition de Michael O’Leary avait un sens ? Aprčs tout, rien n’interdit de se pencher sérieusement sur une idée qui n’est peut-ętre farfelue qu’en apparence. D’autant qu’il s’agit de s’entendre sur les mots : dčs qu’il a été question de passagers voyageant debout, nous avons pris l’expression au pied de la lettre et imaginé des cabines comparables aux voitures surchargées du RER A aux pires heures de pointe. Ce n’est pas tout ŕ fait l’idée du provocateur-en-chef irlandais.
Il est malaisé d’établir avec précision la paternité du concept. Le sičge baptisé SkyRider, conçu par l’équipementier italien Aviointeriors, est bien un sičge (notre illustration). Il s’apparente, d’un point de vue ergonomique, ŕ une selle de scooter et permet de s’asseoir, mais en position trčs raide. L’espacement entre rangées (Ťpitchť pour les professionnels) serait de 23 pouces, 7 ou 8 de moins qu’un aménagement de cabine densifié tel que le pratiquent actuellement compagnies low-cost et charters. En pratique, il serait possible d’installer une quinzaine de rangées de sičges dans un espace n’en recevant actuellement qu’une dizaine.
Apparemment, aucun contact n’a été établi ŕ ce jour avec l’Agence européenne pour la sécurité aérienne, pas plus qu’avec la FAA. A priori, rien ne dit qu’un tel sičge minimal ne pourrait ętre homologué, la notion de confort étant subjective en męme temps qu’hors sujet. En revanche, le certificat de navigabilité d’un avion de ligne précise le nombre maximal de sičges pouvant y ętre installés, lequel dépend principalement du nombre de sorties de secours et de la possibilité d’évacuer tous les passagers en moins de 90 secondes. En clair, il n’est pas question d’installer 200 personnes dans un A319, debout ou semi-assises.
En partant d’une idée incongrue et des efforts déployés par le patron de Ryanair pour faire parler de lui, il n’est pas exclu que le débat débouche sur un compromis acceptable. En-dessous de 30 pouces, le pitch entre rangées de sičges n’assure plus des conditions de voyage acceptables. De plus, les passagers de grande taille, ou souffrant de surcharge pondérale, souffrent le martyr quand ils se déplacent dans de telles conditions d’inconfort. Des sičges spécialement conçus pour la densification des cabines pourraient peut-ętre constituer une solution tolérable, tout au moins pour les vols les plus courts.
Il n’est pas nécessaire d’entreprendre de coűteux sondages pour connaître le point de vue des voyageurs. Certains d’entre eux, ŕ commencer par les plus jeunes (de préférence minces et de petite taille !), pourraient accepter cette hypothétique Ťsous-classeť ŕ condition qu’elle corresponde ŕ de tout petits prix. D’oů la décision d’Aviointeriors de se positionner sans plus attendre sur ce marché potentiel. Lequel pourrait néanmoins ne jamais voir le jour.
Les élucubrations de Michael O’Leary nous amusent, apportent une touche de fantaisie ŕ un univers autrement trčs sévčre. Les compagnies traditionnelles ne sont pas prętes ŕ lui emboîter le pas, d’autant qu’elles ont bien du mal ŕ s’extraire d’une époque révolue, celle du transport aérien élitiste.
Sur le plus court des vols, elles s’évertuent encore et toujours ŕ distribuer boissons gratuites et petits biscuits. L’homo erectus façon O’Leary, lui, est parfaitement capable de survivre pendant 50 minutes sans boire un jus d’orange gratuit.
Pierre Sparaco - AeroMorning