Les dépêches et les articles pleuvent. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel censure le législateur en déclarant l’article L.45 du Code des Postes et des Communications électroniques inconstitutionnel.
Ce faisant, les noms de domaine en « .fr » se trouvent orphelins de toute réglementation. Horreur ! Non, erreur…
Que les personnes qui voient dans cette Décision une formidable opportunité de contribuer activement au fléau de la réservation abusive et de mauvaise foi de noms de domaine portant atteinte aux droits des tiers (pratiques du typosquatting, cybersquatting…) se fassent une raison : cette décision du Conseil Constitutionnel n’est pas synonyme de retour à l’Internet totalement libre et zone de non droit.
En effet, la déclaration d’inconstitutionnalité prendra effet le 1er juillet 2011, pour laisser le temps au législateur de « rectifier le tir ».
Ce qui est aujourd’hui reproché au législateur, c’est d’avoir entièrement délégué le pouvoir d’encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaine sont attribués, renouvelés, refusés ou retirés au pouvoir réglementaire et à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération ((AFNIC)).
Or, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel, les noms de domaine ont pris une importance capitale dans la vie sociale et économique du fait de la dématérialisation toujours plus grande des échanges.
Dès lors, les règles encadrant le choix et la gestion des noms de domaine sont autant de restrictions portées aux droits et libertés fondamentales de liberté d’expression, de liberté de communication (Article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789) liberté d’entreprendre (article 4 DDHC de 1789) et de la propriété (en particulier de la propriété intellectuelle) (Articles 2 et 17 DDHC de 1789).
A ce titre, c’est donc au législateur et à lui seul qu’il appartient de fixer des restrictions et limites précises à ces libertés et droits fondamentaux.
La Décision du Conseil Constitutionnel apparaît donc logique et nul doute que le législateur, qui a jusqu’au 1er juillet 2011 pour redonner un socle légal aux noms de domaine en .fr, reprendra à son compte l’essentiel des règles et principes posés par le pouvoir réglementaire (articles R. 20-44-34 et suivants du Code des Postes et des Communications Electroniques) et par l’AFNIC (Charte de nommage des noms de domaine en « .fr » établie par l’AFNIC).
Gageons que la transposition de ces règles dans la partie législative du Code des Postes et des Communications Electroniques sera l’occasion pour le législateur de peaufiner certains principes et de palier aux carences du cadre réglementaire actuel.
En particulier, au vue de l’importance grandissante des noms de domaine rappelée dans la Décision du Conseil Constitutionnel, le législateur pourrait profiter de cette occasion pour mettre fin aux atteintes portées à la liberté d’entreprendre et à la liberté de communication par des personnes spéculant sur des noms de domaine qu’ils réservent et renouvellent sans jamais en faire la moindre exploitation.
A l’instar de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit que le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de 5 ans, le législateur devrait fixer une durée maximale (à notre avis plus courte, par exemple 3 ans) au-delà de laquelle le réservataire d’un nom de domaine non exploité pourrait être déchu de ses droits à la demande d’un tiers intéressé par l’exploitation de celui-ci.
Cette Décision du Conseil Constitutionnel, loin de constituer un bouleversement, est au contraire l’occasion unique de définir un cadre législatif sur la base des règles existantes en les aménageant et en les complétant pour réellement protéger les libertés de communication, d’entreprendre et de propriété intellectuelle au regard du nom de domaine et de sa valeur grandissante dans l’économie et la vie virtuelle.
Messieurs les Parlementaires, le dossier est désormais entre vos mains…
En savoir plus :
Décision n°2010-45 du Conseil Constitutionnel du 6 octobre 2010 : cliquer ici
Décret du 6 février 2007 : cliquer ici