Le président continue de miser sur le pourrissement du mouvement anti réforme des retraites mais tous les indices chiffrés annoncent pour le
pouvoir l’entrée en zone critique : il s’apprête sans doute à expérimenter jusqu’à quel point l’on peut gouverner contre le peuple sans s’exposer à la radicalisation du conflit. Quels sont ces
chiffres qui donnent la migraine à Sarkozy ? Florilège.
3 000 000 : le nombre de manifestants samedi. La mobilisation ne faiblit pas. « Les syndicats ont
remporté leur pari », commente Le Monde, qui titre La pression sur l’Elysée s’accentue.
71 : le pourcentage de Français qui soutenaient l’appel à manifester (CSA pour L’Humanité de samedi). « Depuis la dernière journée du 23 septembre, le
pouvoir a fait énormément d’efforts pour décourager cette opposition : le martèlement des idées répétées depuis des mois, une campagne de communication pour faire croire à une « décélération
du mouvement », la posture adoptée par le chef de l’État, celle de l’intransigeance d’un homme certain d’avoir raison, énumère le quotidien communiste. Malgré ces efforts, le soutien de
l’opinion aux initiatives syndicales ne se dément pas. Le nouveau sondage CSA pour l’Humanité montre même que cette sympathie atteint des sommets jamais égalés depuis 2002. 71 %
de l’ensemble des Français soutiennent ou portent de la sympathie pour le mouvement. Ils ne sont que 12 % à s’y déclarer hostiles. Même les sympathisants de droite sont seulement 36 % à se
déclarer hostiles au mouvement ! »
72 : le pourcentage de Français qui ne font pas confiance au président de la République (TNS-Sofres
pour Le Figaro magazine).
« L’analyse partisane de la cote de confiance du président de la République montre que ce qu’il a pu gagner auprès
des sympathisants du Front national (+4), en musclant son discours sur la sécurité et l’expulsion des Roms, il l’a perdu auprès de sympathisants de droite (-5) », analyse la
Pravda sarkozyste, qui se garde bien de relever ce que souligne par exemple Cyberpresse : « La cote de confiance du
président français Nicolas Sarkozy à la fin du mois de septembre est au plus bas depuis juin 2007″. Autre record, lui aussi absent du compte-rendu du Figaro, celui
que souligne Le Point : Sarkozy « atteint son
plus haut niveau de défiance avec 72% ».
71 : le pourcentage d’opinions négatives pour la politique économique du gouvernement.
« Selon un sondage BVA-Absoluce publié mercredi, la politique économique du gouvernement a atteint un record d’impopularité depuis l’élection
de Nicolas Sarkozy, sur fond de désaveu de la réforme des retraites, avec 71% de mauvaises opinions (+4 points depuis juin) », note L’Humanité. Libération est plus complet : « Interrogées sur la politique
économique du gouvernement, 44% des personnes sondées la trouvent « mauvaise » et 27% « très mauvaise ». 26% la jugent bonne (-2 points), dont 24% « plutôt
bonne » et 2% « très bonne ». « Il est fort probable que le débat sur les retraites contribue lourdement à ce désaveu : les mauvaises
opinions ont progressé de quatre points pendant l’été et se situent onze points au dessus de leur niveau déjà très élevé du début 2010″, juge Gaël Sliman, directeur
général adjoint de l’institut. Concernant la réforme des retraites, une majorité (57%) des sondés pense que le gouvernement doit céder sur sa décision de repousser l’âge
légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans. 39% pensent qu’il ne doit pas céder. Une majorité plus large (65%) lui demande de reculer sur le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge
permettant d’obtenir une retraite à taux plein. 31% jugent qu’il ne doit pas infléchir sa position. Les deux tiers des personnes interrogées (66%) pensent que les concessions faites par le
gouvernement aux syndicats sur le projet de réforme des retraites sont « insuffisantes », contre 28% qui les jugent « suffisantes ».
10,9 : le pourcentage de Français qui classent l’insécurité comme problème « le plus préoccupant à
l’heure actuelle en France », selon l’enquête Obéa-Infraforces
publiée hier par 20 minutes et France Info. Encore pire pour Sarkozy, le score de l’immigration : 4,1%. Après ça, allez donc vous faire réélire en faisant campagne justement sur
ces deux thèmes ! Le 13 septembre, nous soulignions déjà cette tendance (lire Prends ce sondage
dans ta face d’UMPiste) : « Quelque 74% des personnes interrogées citent le chômage et l’emploi comme une de leurs préoccupations,
54% les retraites, 50% la qualité des soins, 47% le pouvoir d’achat, mais seulement 26% la sécurité, c’est-à-dire que trois quarts des personnes interrogées ne la mentionnent
pas comme préoccupation ». La photographie de l’opinion livrée par cette nouvelle enquête la montre à l’identique coupée de l’UMP :
Chômage, avenir des retraites, crise économique : voilà les problèmes que nos concitoyens jugent prioritaires, et sur
lesquels ils attendent par conséquent des réponses de la part des pouvoirs publics. Or comment le gouvernement réagit-il au chômage ? Il doit d’abord assumer sa calamiteuse fusion à marche forcée
entre Assedic et ANPE pour créer la faillite de Pôle emploi, structure dès le départ percluse de dysfonctionnements, inadaptée et complètement dépassée par
l’ampleur de la poussée du chômage. Alors les solutions trouvées par la droite consistent à externaliser vers le
privé toute une partie des tâches, dont il s’acquitte de façon moins efficace pour beaucoup plus cher, et de faire par ailleurs opérer en interne des radiations massives afin de faire artificiellement baisser les chiffres, ce qui autorise ensuite Madame la marquise
Lagarde à nous seriner que Tout va très bien, ne trompant personne. Les usines continuent de fermer,
les travailleurs sur le carreau à ne pas trouver de nouvel emploi et une frange croissante de la population s’enfonce dans la précarité et la misère (13% déjà sous le seuil de pauvreté, révèlent
les chiffres récents de l’Insee). Pire, Sarkozy aggrave sciemment le chômage !
De quelle façon ? Avec la fameuse loi Tepa* d’abord : « Une de ses mesures phares était l’exonération
de charges sociales et d’impôt sur les heures supplémentaires, rappelle l’ami Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques (in Le scandale des heures sup
). Il s’agissait de tuer les 35 heures sans les supprimer officiellement. Et cela avait très bien marché. En 2008, l’Acoss avait
enregistré 727 millions d’heures supplémentaires, soit l’équivalent de 466 000 emplois à temps plein. Un sacré succès. Mais cela s’est fait aux dépens de l’emploi, si on dit que la
moitié de ces heures, soit l’équivalent de 233 000 emplois, auraient pu être effectuées par des jeunes qui arrivaient sur le marché du travail ou par des chômeurs.
En 2008, cela n’était pas trop grave, entre le papy-boom et la croissance qui était encore là. Ceci dit, entre décembre 2007 et décembre 2008, le nombre des chômeurs inscrits à Pôle
emploi avait quand même déjà augmenté de 151 000 personnes. Sans les subventions aux heures supplémentaires, on aurait probablement pu éviter cette remontée du chômage. En 2009,
avec la crise, qu’est-ce que cela a donné ? Comme on pouvait s’y attendre, le nombre des heures supplémentaires déclarées a reculé. Mais finalement, pas tant que cela.
L’Acoss en a encore enregistré 676 millions, soit l’équivalent de 434 000 emplois. Mais cette fois, le nombre des inscrits à Pôle emploi s’est accru dans le même
temps de 588 000 personnes. Ces heures supplémentaires ont coûté à la protection sociale 2,7 milliards d’euros d’exonérations, à quoi il faut encore ajouter à peu près
1,3 milliard du fait des exonérations d’impôts sur le revenu. Quand on sait qu’un emploi salarié coûte en moyenne 41 000 euros en France, y compris les cotisations
sociales, cela veut dire qu’avec ces 4 milliards d’euros, l’Etat aurait pu financer entièrement 98 000 emplois supplémentaires. En 2007, on pouvait peut-être
se dire qu’avec le papy-boom, de toutes façons, la question du chômage allait se régler toute seule, mais aujourd’hui, ce n’est plus possible et cette histoire d’heures supplémentaires relève
désormais de l’aveuglement idéologique pur et simple. » Deuxième élément de la politique sarkozyste aggravant le chômage, le non-remplacement d’un fonctionnaire en
retraite sur deux, bien sûr !
Derrière le chômage, la préoccupation principale des Français est donc « l’avenir des retraites », or tout
ce que nous propose le gouvernement est sa contre-réforme injuste, pesant à 85% sur les salariés, qui aura pour effet mécanique de diminuer le niveau des pensions et… d’aggraver le chômage ! Le
socialiste Gérard Filoche, toujours très assidu sur Twitter, jetait hier le pavé dans la mare (lire ci-contre). Et nos acharnés aux ordres du Medef et du Cac40, droits dans leurs bottes, persistent
inlassablement à annoncer qu’il ne reculeront pas, malgré les millions de manifestants, malgré l’opinion majoritairement opposée à l’inique réforme. On voit bien là aussi à quel point les
attentes des Français les éloignent des « solutions » UMPistes. Vient ensuite l’inquiétude liée à « la crise économique » et nos gouvernants, englués dans
leur carcan idéologique libéral – le voilà, le vrai archaïsme économique ! -, y opposent un budget d’austérité, alors que la marche à suivre est exactement inverse, comme le déclare le prix Nobel
d’Economie Joseph Stiglitz : « il faut soutenir
l’économie en investissant et non en la bridant par des plans de rigueur ». Là encore par conséquent, Sarkozy et Fillon ont tout faux et la santé du malade France ne peut que
péricliter avec les remèdes de nos docteurs Diafoirus.
En quatrième position arrive donc seulement l’insécurité, avec 10,9%, malgré le forcing tous azimuts de
cet été et le rouleau compresseur de la propagande de la droite, obligeamment relayée médiatiquement. Ah ils ont bonne mine les journalistes en uniforme du Figaro ! On se souvient encore
avec écoeurement du sondage Ifop début août et de sa présentation triomphante en couverture ci-contre. A propos de l’enquête Obéa-Infraforces, ils ont choisi de titrer, de façon
plaisamment caricaturale, Le terrorisme, une menace
« sérieuse ». Et de fait, c’est bien tout ce qui reste à nos gouvernants ! « Une large majorité de Français considère que le terrorisme est une menace
« sérieuse » et que le gouvernement y fait face de manière « adéquate », commence à se réjouir la Pravda sarkozyste, même si elle doit tout de même déchanter dès
la fin de la phrase : mais les questions sécuritaires restent éloignées de leurs préoccupations premières ». Pas seulement ça : les Français ne sont absolument pas
dupes de l’opportunisme politique sarkozyste. Ils sont en effet 61,2% à estimer que le gouvernement « a choisi ce thème pour des raisons essentiellement
électoralistes », 61,3 qu’il « a beaucoup parlé mais peu agi » et 56,4 qu’il « a mis en avant la sécurité pour faire oublier d’autres sujets comme
l’affaire Woerth« !
« Nous sommes au travail sur les questions qui intéressent les Français », prétendait fin août le porte-parole UMPiste, Frédéric Lefebvre, sur le site officiel du parti. Mais ils ne sont que 31,7% à
penser que le gouvernement, avec la sécurité, « s’est occupé d’un sujet qui préoccupait vraiment les Français ». Ne parlons même pas de l’immigration ou de la burqa ! Et
sur le bilan, pour en finir avec la sécurité ? Verdict implacable : le gouvernement « a obtenu des résultats probants » pour… 17,4% seulement. Le petit homme qui faisait semblant de combattre l’insécurité est renvoyé sèchement à ses chères études.
Voilà où en est aujourd’hui Sarkozy, désavoué par l’immense majorité des Français et sa politique vilipendée de toutes parts.
Dans ces circonstances, le vol programmé de nos deux meilleures années de retraite s’apparente de plus en plus à un coup de force contre le peuple. Sous prétexte que
l’UMP jouit toujours d’une majorité parlementaire, qui volerait en éclat de façon spectaculaire si l’Assemblée était dissoute, va-t-il laisser ce fléau antisocial continuer de tout saccager
impunément pendant deux ans ? Le président, lourdement soupçonné de financement illégal de sa campagne (Bettencourtgate), ce qui entache singulièrement sa légitimité juridique, n’en possède plus aucune sur le plan politique. Alors que les premiers préavis de grève illimitée tombent à la RATP et que le coordinateur de la CGT
Total se prononce lui aussi pour cette solution, il n’est pas sûr que Sarkozy soit toujours en mesure
de remporter le bras de fer qu’il a engagé contre les Français.
Toutes les informations sur la grève générale sont à consulter
ici.
Plume de presse
*loi Tepa : « loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat », prière de
ne pas rire.
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