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conte du Poitou

Publié le 07 octobre 2010 par Dubruel

 

Conte du Poitou N°3

Le conte de la treue.

Les femmes de Port*en lavant au ris (ruisseau), elles se racontaient ce qu’elles tueraient pour leur carnaval.

Une disait : « Moi, i tuerai un jars. »

L’autre dit : « Moi, i tuerai mon gros geau (coq) »

L’autre disait : « Nous autres, n’tuerons notre treue (truie) ! »

Le jars, qu’était là à se baigner, du long (auprès) des femmes, qu’entendait tout ça. ‘l s’arrache de l’eau bien doucement, fait semblant de rien, monte dans le village, ‘l appelle la truie et le geau :

« Disez donc ! Vous ne savez pas ce qu’elles disent de nous autres ? Elles disent qu’elles veulent nous tuer pour leur carnaval. Allons ! Faut partir, faut nous en aller, fout not camp dans les bois ! »

Les voilà partis comme trois voyageurs. En étant bien loin, c’est qu’ils se lassaient.

Que dit le jars : « Ma pauvre treue, peux plus aller plus loin ; i seus las ! »

-« Et ben ! Coupe du bois, i va te faire une loge ! » Mon jars coupe du bois et la treue lui fit une loge. Le geau en dit autant, et la truie lui fit une loge. Puis la true fatiguée se fit une loge aussi.

Le loup qui se promenait par là, dit au jars : « Oh ! Jars, ouvre-moi la porte. O (il) fait tant de fré (froid) ! Ouvre-moi donc la porte ! »

-« Oh ! i n’veux pas ! Tu m’mangerais ! »

-« Ah ! Si tu n’veux pas, i vas monter sur la maison, péterai, vessirai, défoncerai la maison et t’mangera. »

-« Tant pis ! Veux pas t’loger ! Montes-y si tu veux ! »

Il monta sur la loge, péta, vessit, défonça la maison et mangea le jars. »

(Même scénario avec le coq)

Puis le loup alla voir la truie : « O truie, ouvre-moi donc la porte ! O fait tant de fré ! I tremble. Ouvre, voudrais m’chauffer. »

-« O n’veux pas t’ouvrir ! Tu m’mangerais. »

-« Oh ! si tu n’veux pas m’l’ouvrir, i vas monter sur ta maison ; i ferai ben comme au jars et au geau, va : i péterai, vessirai, défoncerai la maison, mangerai toi et tes petits ! »

-« Montes-y s’ tu veux ! i n’veux pas t’ouvrir. »

Il monta sur la maison, péta, vessit, pissa, chia : ne put la défoncer la maison. Le voilà qui descend.

-« Ah ! Eh ben ! Tu n’las pas défoncée ?

*Port est un village à gauche de la route de Poitiers, en arrivant à Lussac-les-Châteaux

« Ouvre-moi, va ! » Il ne savait pas comment faire pour la joindre. Qu’il dit :

-« dis donc, treue, tu sais ben qu’y a des pommiers, là-bas ? Que les pommes sont bien mûres ! Veux-tu que nous n’allions en chercher ? »

-« Ah ! i veux bien ! », qu’elle dit.

-« Faut partir à telle heure ! »

Voilà ma truie qui n’perd pas d’temps et n’attend point l’heure. Elle passe par un autre côté et va ramasser tout son faix de pommes.

-« Oh ! treue ! tu m’as joué un joli tour ! t’es point v ‘nue, dis donc. »

-« Ah ! n’y ai pas été ? Eh ! Si fait ben,i ai été ! Ol (c’)est ben toi, mais qui était pas, grand sot ! vois-donc tous les curots (trognons) à ma porte, là. »

La truie avait mis une grand’pleine chaudière d’eau chauffer au feu. Et elle ouvre la porte au loup. Elle le fit assoir dans un coin et ses petits gorets dans un autre. Mon loup rgardait les p’tits gorets : « I mang’rais ben ce qui biscouette, biscouette de la couette (remue, remue de la queue) !

La marmite bouillait bien.

La truie alla à la porte : « Ah ! mon Dieu, mon Dieu ! Pauvre loup ! Si tu voyais ce qui vient, les chasseurs, les chiens, les gendarmes, tout vient à poste de chevaux pour te chercher. »

-« Oh ! c’est pas vrai, toujours ? »

-« Si fait ! Ol est vrai ! »

-« Là où qu’i vas me mettre ? Là où qui m’cacherai, »

-«  Té, mets-toi dans cette barrique ! ben vite, ben vite ! « 

-« Quoique tu mettras sur moi ? »

-«  La grelle (le crible). »

La truie empoigne sa pleine chaudière d’eau et la jette dessus la barrique, dans sa grelle.

Voilà le loup qui brûlait dans cette eau bouillante !

Il donne un coup de tête ; il sauta et il se sauvait, tout brûlé.


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