A propos de L’homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun 2 out of 5 stars
A N’Djamena, capitale du Tchad, Adam, 55 ans, travaille avec son fils Abdel comme surveillant de piscine dans un hôtel de luxe. Mais le jour où la direction lui signifie son licenciement, Adam tombe dans la dépression, d’autant que son fils est nommé à sa place maître-nageur…
Le titre du film est une citation d’un long poème d’Aimé Césaire (1913-2008), tiré de son Cahier d’un retour au pays natal (1939). Une œuvre de quarante pages dans laquelle le poète martiniquais y développe déjà le concept de « négritude », au cœur de son œuvre.
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse… »
Le contexte d’Un homme qui crie, c’est un pays en proie à des guerres sempiternelles entre les forces rebelles et le pouvoir tchadien. Des guerres qui provoquent l’exode massif de la population vers le Cameroun. Mahamat Saleh Haroun, blessé gravement lors de la seconde bataille de Ndjamena, a du fuir lui-même le Tchad en 1980.
Mais l’autre grave problème qui sème la discorde dans ce pays en très grande majorité musulman, c’est la mondialisation et l’arrivée des capitaux étrangers dans le pays. L’hôtel où travaille Adam a été racheté par des Chinois qui, dans un souci de restructuration, licencient à tour de bras.
La manière dont sont décrits les contextes politique et économique du Tchad est ce qu’il y a de plus pertinent dans le film. Presque documentaire. « L’effort de guerre », comme l’appelle le chef musulman du quartier, va obliger Adam, qui ne peut rien offrir en liquidités, à sacrifier son fils en le livrant en pâture à l’armée pour qu’il combatte contre les forces rebelles.
C’est d’ailleurs le paroxysme dramatique et une scène cruelle dans le film. L’absence de réaction d’Adam lorsque l’armée débarque pour enrôler son fils. Le père d’Abdel, ancien champion de natation et qui s’enorgueillissait de travailler à l’hôtel depuis 30 ans, ne supporte pas l’humiliation d’avoir perdu son travail au détriment de son fils. Il payera au prix comptant sa fierté mal placée.
Mais il y a une chose dans le film qui met hélas à distance la part intimiste de cette histoire et le drame vécu par Adam. Quelque chose qui empêche de goûter pleinement à la beauté des paysages. D’être touchés vraiment. C’est la solennité des dialogues. Le manque de naturel, de spontanéité avec lesquels Adam s’adresse à son fils, à la copine enceinte d’Abdel, à son ami, cuisinier de l’hôtel viré lui aussi « manu militari », rendent le film un peu sec. Et les personnages beaucoup moins incarnés qu’ils n’auraient pu l’être…