A titre personnel, je me fous comme d’une guigne des déboires juridiques de Jérôme Kerviel, le super trader poursuivi pour avoir causé une perte record de près de 5 milliards à la Société Générale. Cependant, je salue sa maladresse comme une aubaine, car elle met en lumière l’histoire d’un massacre économique à grande échelle.
Rien à foutre d’un trader dont la religion personnelle repose sur d’obscurs plaisirs, aux antipodes de la brutale réalité humaine. Ivre de chiffre, de jeu, de combines et de jackpot, aveuglé par l’inconscience, irresponsable à bien de degrés, formé à l’école impitoyable du coup bas et muni d’un « permis de tuer » délivré par ses employeurs – la violence ne consistant pas à se munir d’un flingue pour aller dévaliser la première agence bancaire venue – le voici passant au guichet pour répondre de ses actes. Justice est faite ? Non !
Jérôme Kerviel vient d’être déclaré coupable et condamné par le tribunal correctionnel à une lourde peine et à des remboursements dont les mensualités relèvent du surréalisme. Lève-toi et marche, ô Breton, pourrait-on dire si le jeu de mots ne semblait pas un brin déplacé en la circonstance.
Cette affaire me fait penser à ces thrillers dont Hollywood est friand et qui fait le succès commercial. A la fin le méchant est puni. La morale est sauve. Sauf que dans ce cas – dans le réel –, dans notre petite et brutale réalité, le citoyen est bel et bien dépouillé sans que les vrais responsables viennent à la lumière, soient convoqués à la barre pour plus amples explications : une nuée d’avocats, grassement rétribués, est là pour écoper et délivrer une copie sans faille. Coupable !… Innocent !… On oublierait presque que des vies sont en jeu dans ce jeu ignoble.
Dans la dialectique de l’ordure contre celle du pourri, la bataille fait rage. Le peuple est pris en otage On l’invite au festin. Quelques bouts d’os suffiront à étancher sa faim. On monte le tout façon Telenovela et l’usine à névrose tournant à plein régime on oublie l’essentiel : la machine à broyer. Et la machine à broyer, les amis, c’est les banques. N’oublions pas l’Islande, la Grèce, l’Irlande et le sud de l’Europe, Espagne et Portugal pour ne pas les citer.
Tout ça commence à faire des millions et des millions d’arnaqués ! Le système bancaire est vérolé. Il est au bord de l’implosion par manque d’imagination ou par excès de conviction. Cela est déjà le cas dans beaucoup de régions de cette planète, pas aussi douce que le dévoile l’image satellite avec laquelle on fabrique des posters. La misère par la guerre ou l’inverse.
A vouloir imposer une politique basée sur l’acte de prédation pur, le libéralisme déclenche un mécanisme de destruction qui est en passe de le dépasser.
Voilà ce que révèle au grand jour l’affaire Kerviel. Alors, Kerviel, victime ou innocent ? Les deux. En s’engageant sur cette voie, il savait ce qu’il faisait. Il est la victime du syndrome du voleur : il n’y a que quand on est pris qu’on perd son lustre !