Octobre 70
Que Foglia cite la mort de Pierre Laporte comme ayant mené à une certaine mise à mort de la démarche indépendantiste du Québec, c’est son bon droit. Après tout, le Québec a très bien cheminé depuis ce temps. Nous avons même vu l’écrivain Louis Hamelin défrayer les manchettes avec La constellation du lynx, roman portant sur les cendres encore fumantes des événements d’Octobre 1970. Le sous-titre d’un article de section dans L’Actualité rédigé par Martine Desjardins évoque « enfin le grand roman québécois ». Revenons sur les termes mêmes de la nation qui a vu un critique littéraire parodié par l’enfant terrible de la littérature québécoise, Réjean Ducharme.
Ensevelir les héros d’une certaine prise de parole québécoise passe par un certain embrasement d’âme. Jacques Parizeau témoigne bien volontiers des événements de l’époque. Insister sur Laporte de la sorte comme Foglia a ironisé, c’est tenter de plaider l’oubli. Faire un clin-d’œil intellectuel, c’est risquer le contresens d’une passion nationale. Se souvenir de la dimension historique du sursaut ressenti, c’est soutenir une certaine cohésion nationale. Bien malin serait celui qui saurait évoquer ce qu’il n’a point vécu. Après octobre 1970, la nation québécoise a bien pu être anesthésiée partiellement. Cependant, l’isoler aux yeux du monde entier ne saurait se faire sans réaliser l’économie du fil des événements historiques.
Au soir du 24 juillet 1967, Montréal fut témoin d’une scène historique impérissable. Le Général De Gaulle venait de réinscrire le Québec dans la longue liste des peuples à libérer. Son Vive le Québec libre a réveillé bien des morts environnantes, dont un certain drapeau. Trois ans plus tard, aurions-nous oublié, à l’aune d’une révolution échue, un certain devoir de mémoire ? Ce serait se vouer à la crise, simuler un certain psychodrame. Oublier le Général dans sa mort un certain 9 novembre 1970 ? Je veux bien croire que nous étions préoccupés de la suspension des libertés civiles par l’État canadien, mais de là aurions-nous oublié le messager de quelque libération prochaine ?
Dans la poursuite d’une certaine réflexion, Gilles Duguay vient d’écrire une brique de 640 pages Le triangle Québec-Ottawa-Paris. Je me souviens encore des leçons qu’il nous donna, du moins qu’il tenta dans un cours de sciences politiques à l’Université de Montréal. Évoquant au passage le mandarin politique de carrière Claude Morin, nous avons pu ressentir une certaine fureur et obstination à soutenir un certain point de vue. Quoi qu’il soit, un peu moins de dix-sept ans après la mort du Général De Gaulle, René Lévesque mourait à son tour. Nous pouvons alors tenter un certain parallèle avec l’ambiance de L’humain isolé, un autre essai-témoignage d’écrivain de Louis Hamelin. Il évoque dans ces pages les funérailles nationales de Gaston Miron. Nous pouvons bien voir les silhouettes de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard se profilant de façon distincte dans une certaine procession.
Un certain côté curieux de la situation politique actuelle nous met devant plusieurs constats. D’une part, nous avons vu un certain gouvernement défendre de date encore récente l’opportunisme de réaliser des affaires dans le domaine de l’amiante. De l’autre côté, une certaine foule réagit tel le gaz schiste qui s’embrase. Entre les deux processions, nous pouvons essayer de décortiquer une communication politique pas piquée des vers. Chose certaine, nous n’avons pas encore les dénouements futurs à portée de main. Tout au plus, nous pouvons épiloguer à propos de la nécessité du programme d’action nationale concertée, loin des considérations à court terme.
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Le brouillard sous les décombres de funérailles nationales