Chacun sait à quel point la nostalgie embellit les souvenirs. Les miens depuis l'âge de 8 ans sont faits de chocolats chauds, onctueux, parfumés et denses, dégustés dans de fines tasses en porcelaine blanche ornées de liserés verts, ou encore d'un monticule de crème de marrons, dressée en fins vermicelles et poudré d'un nuage de sucre glace, surmontant un dôme de Chantilly fraîche et un socle de meringue craquante : l'Africain et le Mont-Blanc, deux douceurs emblématiques qui ont fait le succès de la maison Angelina, fondée en 1903 par le génial pâtissier d'origine autrichienne Rumpelmayer. Rebaptisée "Maison de l'Afrique" au coeur des années 70, sans doute en raison de la proximité des délégations africaines, Angelina s'est refait une virginité très BCBG environ une décennie plus tard. Repaire de dames chignonnées très 16ème, de jeunes filles à serre-tête et cardigans bleu marine, et de jeunes gens aux patronymes à rallonge, le salon de thé a su également conquérir une clientèle d'enfants terribles de la mode, tel ce grand couturier, célèbre pour sa blondeur et ses marinières, qui en avait fait le lieu de rendez-vous de ses périodes de défilés...
Rachetée en 2005 à la famille Gauthier (également propriétaire de la célèbre brasserie Mollard du quartier Saint-Lazare à Paris, chef d'oeuvre de l'Art nouveau, sans rapport avec le couturier précédemment évoqué), la maison a pris un virage inattendu et quelque peu déconcertant : un hideux service blanc à bords roses et épais a remplacé la fine porcelaine, le chocolat chaud, souvent grumeleux et servi ou tiède ou bouillant, est flanqué d'une coupelle de Chantilly trop sucrée, quant au Mont-Blanc...c'est bien simple, il n'a plus de commun avec l'ancien chef-d'oeuvre pâtissier que le nom.
Le déclin du Mont-Blanc date de 2007, et coïncide avec l'arrivée d'un nouveau chef pâtissier, Sébastien Bauer, starisé depuis par le groupe Bertrand et présenté comme l'égal d'un de ses premiers mentors, l'incontournable Pierre Hermé.
Si Bauer a en effet tenté un renouveau en proposant de nouvelles créations, aux couleurs un peu trop voyantes et au dosage en sucre souvent trop généreux, il a commis une erreur de taille en s'attaquant à des produits cultes de la maison : ainsi de la célèbre tarte Victoria, chocolat et violettes, délicate et parfumée, transformée en banale tarte chocolat ornée de quelques malheureuses framboises, du mille-feuilles, qui a perdu toute sa simplicité en se glorifiant d'un mélange de crème café et whisky, destiné à cacher la médiocrité du feuilletage, et enfin, sacrilège ultime, du Mont-Blanc, démoli à la truelle pâtissière...
Bien que Bauer comme ses patrons jurent leurs grands Dieux n'avoir jamais touché à la recette d'origine, la tentation est grande pour les gardiens du Temple de jouer aux marchands du même sanctuaire... et tromper le nez et le palais d'une cliente fidèle depuis plus de trois décennies n'est pas si simple !
Voici trois ans donc que je me languis - et beaucoup d'autres inconditionnels avec moi - de l'incomparable arôme de châtaigne, délicatement vanillé, de la sublime coque de meringue généreusement remplie de Chantilly ferme et immaculée du Mont-Blanc d'autrefois. Format réduit (mais prix XXL), et surtout agressivité d'une crème de marrons épaisse, pâteuse et aromatisée à la vanilline, recouvrant une Chantilly qui n'a plus grand-chose d'aérien : telle est la version reliftée actuelle.
Le diagnostic est simple et bête comme des relations de copinage entre un pâtissier et un fournisseur : Imbert, producteur de marrons et châtaignes en Ardèche, a supplanté Sabaton, fournisseur historique de la maison Angelina depuis 40 ans et également grand spécialiste du marron ardéchois et de ses produits dérivés dès 1907 : pâtes, crèmes, purées, marrons glacés ou au sirop, d'une finesse et d'une saveur inégalées.
Partir à la reconquête du Mont-Blanc, ne serait-ce que pour garder le monopole d'un des desserts parisiens les plus prestigieux, est le conseil à adresser de toute urgence à Sébastien Bauer et à ses employeurs, qui semblent avoir confondu cîmes d'un succès médiatique et commercial avec les hauteurs de vues de la tradition gourmande.
LES COMMENTAIRES (5)
posté le 03 mars à 18:54
Cher Olgis, je n'avais pas vu votre réponse du 16 octobre. Comme je le disais dans mon message, je suis un accro simplement et suis visible sur place pratiquement tous les premiers samedis de chaque mois l'après midi, c'est une tradition familiale bien ancrée, et je persiste a ecrire que vous ne savez pas de quoi vous parlez. Vous etes peut etre venu une fois tester, et vous avez ecris vos mensonges. Et vous confondez la hargne avec l'enthousiasme et la passion. Mais dites nous combien Sabaton l'industriel vous a rémunéré pour sa pub sur votre page? indépendance des pseudo journalistes?
posté le 30 octobre à 14:55
Je viens de tomber sur cet article qui nous informe du déclin du Mont Blanc ! Je suis enfin rassuré car je pensais que mon palais me jouait un sale tour. Arrivé à Paris, il y a plusieurs années, j’ai découvert ce fabuleux trésor de Mont Blanc. Je me suis régalé durant des années. Puis ces derniers temps, il me semblait bien que quelque chose avait changé mais malheureusement pas en mieux ! Le Mont Blanc que j’avais dégusté, il y a quelques années, a disparu (je ne peux pas vous dire depuis quand de façon précise). Heureux de pouvoir constater que ce n’était pas mon palais qui me faisait défaut, mais que c’était bien le Mont Blanc qui avait changé ! Merci au(x) journaliste(s) pour cette confirmation !
posté le 16 octobre à 20:40
Je suis l'auteur de cet article, cher André...Une petite question : quelle est le montant de l'enveloppe que vous avez touchée pour défendre de manière aussi virulente Imbert, Angelina et Cie ? A moins que vous n'ayez gagné un abonnement à vie à ce très décevant Mont-Blanc d'aujourd'hui... Ou que, plus logiquement, vous ne fassiez vous-même partie de la maison que vous défendez avec tant de hargne ?
posté le 13 octobre à 20:13
Re: je viens de rentrer de chez Angelina! la Chantilly n'est pas sucrée du tout!!!1ere erreur. il suffit de demander au personnel adorable qui vous expliquera et de gouter encore faut il avoir un palais!! Le chocolat était comme d'habitude, top! Vous dénigrez pour le plaisir semble t il. La tarte Eva ne ressemble en rien a feu Victoria, paix a ses cendres. Et le Mille Feuille! Habitué de longue date de l'établissement (20ans), j'ai le souvenir du Mille Feuille précedent la venue du nouveau pâtissier: crème au beurre!!!! et confiture de framboise, simplement écoeurant et indigeste. Vous n'avez sans doute pas gouter le Mille feuille a la vanille bourbon, simplement divin, avec son feuilletage caramélisé, j'en ai dégusté un tout a l'heure!Miam miam. Et pour le Mont Blanc, votre nez et votre palais sont en berne. Le Maitre d'hotel sur place m'a confirmé ce que je dis plus haut dans mon premier message et que de plus la Maison Imbert n'utilise pas de vanilline mais des gousses de vanille, et que cela ne fait pas trois ans que le fournisseur a changé, mais deux ans. alzheimer peut etre? Et je confirme que Imbert était bien le fournisseur historique, le personnel en témoigne, vous auriez du vous renseigner sur place! Enfin Sabaton est un industriel et Imbert un artisan qui continu encore d'eplucher ses marrons à la main, et rien que cela fait toute la différence au niveau de la finesse du gout. Changez de metier, essayez le ciment et la truelle. Un accro de cette merveilleuse institution parisienne.
posté le 13 octobre à 14:40
Balivernes et foutaises! tout d'abord ce n'est pas un Mont Blanc de chez Angelina sur la photo!! les connaisseurs, les vrais ne s'y laisseront pas prendre, et au niveau du fournisseur, c'est un peu le contraire je crois: Imbert a toujours été le fournisseur historique du lieu, il y a eu une parenthèse malheureuse avec Sabaton, là encore les vrais amateurs le savent! telephonez au salon comme je viens de le faire et vous en aurez la confirmation! Article nul de la part d'un ministronome!
posté le 08 octobre à 18:27
une vraie tragédie... heureuse d'être devenue diabétique!