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Valery et les médias

Publié le 06 octobre 2010 par Fmariet

Paul Valéry, "Souvenirs et réflexions", édition établie par Michel Jarrety,  Bartillat, 207 p., Index des noms cités.
Ce volume rassemble des textes de circonstance écrits par Paul Valéry dans des situations intellectuelles plus ou moins mondaines : préfaces, introductions, hommages, conférences, etc. Ces commandes, marketing oblige, exigent la langue de bois mais laissent passer parfois des développements scintillants. Parmi ceux-ci, des réflexions, en passant, sur les médias. Ceux de l'époque : la presse qui règne absolument, le cinéma et la radio déjà mass-médias. L'écrivain voit grandir ces médias sans papier, sans mots écrits et tente d'en deviner les conséquences à long terme, la lucidité le disputant au conservatisme.
"L'avenir de la littérature" est révélateur de cette tension. Valéry montre la langue maltraitée par les techniques, par les importations et déplore l'érosion de la langue poètique : "l'usage de moyens rapides de communication verbale rend la langue usuelle de plus en plus pauvre en formes complexes".
Mallarméen, Valéry décrit un lecteur usé par le journal, par des lectures sans attention, hachées par les transports en comun... "Leur esprit ne trouve dans ces écrits que des éléments bruts d'information ou de distraction rapide" : exacte description de de la demande actuelle de médias dont l'aboutissement est une offre de dépêches d'agence catégorisées par Google News et autres agrégateurs, d'une part, aux contenus people, d'autre part. La production moderne, estime Valéry est une production désarticulée de "données incohérentes". Les médias écrits creusent leur propre tombe, "la langue [...] devient une chose fabriquée d'une façon anonyme par la presse, par l'usage grossier du parler". Dans le développement de la radio, Valéry anticipe l'oralisation de la littérature et, peut-être, un retour à l'oral.
Valéry n'est pas cinéphile ; le cinéma relève de "l'administration des esprits par masse" or, pour Valéry, il n'est d'art que pour "le petit nombre" ; mais il sait reconnaître et observer la complexité coordonnée et la division du "travail mental" qui produisent le langage cinématographique : "une intelligence en fonction", définition que ne réfuterait ni Chaplin ni Eisenstein.
Au bout du compte, dans ces textes brefs, parfois incisifs, la lucidité l'emporte souvent sur le conservatisme. Une lecture actuelle y trouve à se nourrir et à penser. Quand Valéry retient le rôle de la forme dans les médias, percevant la dé-formation inévitable que promeut l'écriture rapide, industrialisée de la presse, quand il insiste sur le rôle primordial de la langue dans l'économie générale des médias, il nous faut écouter. Son avenir ressemble à notre présent.

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