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La fin du Tiers-monde

Publié le 06 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Au début des années 50, Alfred Sauvy avait créé le terme de tiers-monde pour caractériser les pays que l’on appelait alors sous-développés. Il en reste l’idée, souvent exprimée, y compris chez des hommes de bonne volonté peu suspects de marxisme primaire, que les pays riches (développés) le sont de plus en plus et que les pays les plus pauvres sont, eux, de plus en plus pauvres : résultat, les inégalités « Nord-Sud » ne cesseraient de s’accroître.

La fin du Tiers-monde

Gaborone, capitale du Botswana

L’explosion des pays émergents vient contredire cette thèse, mais, plus encore, ces derniers jours ont apporté de bonnes nouvelles, tant sur le recul de la faim dans le monde que sur l’envol de l’Afrique, que l’on considérait jusque là comme abonnée au sous-développement. Indiscutablement, le monde bouge, et on ne peut plus sérieusement parler « d’un tiers-monde ». Faut-il s’en étonner ? Comme l’a rappelé la Nouvelle Lettre de la semaine dernière, « le développement est le fruit de la liberté économique ».

La sous alimentation et la misère reculent

Les estimations de la FAO sur la faim dans le mode, les dernières statistiques du Fmi sur l’Afrique ou le sommet de l’ONU sur les objectifs du millénaire (en dépit des bêtises qu’on y a entendues) montrent que le monde change. L’une des caractéristiques les plus dramatiques des pays les plus pauvres est l’importance du nombre de personnes ne mangeant pas à leur faim. Certes, il n’est pas très simple de mesurer la sous-alimentation, mais si l’on prend une source homogène, comme celle de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et la nourriture), le recul de la sous-alimentation est incontestable.

Il est vrai que pendant longtemps le nombre de personnes sous-alimentées est resté à peu près stable en valeur absolue, entre 900 et 1000 millions de personnes ; mais c’est dans le cadre d’une population mondiale en croissance rapide ; donc le pourcentage de personnes sous-alimentées par rapport à la population mondiale n’a cessé de se réduire : plus de 25% dans les années 70, 15% il y a deux ans, 13,5% aujourd’hui ; l’objectif du millénaire d’arriver à 8% en 2015 est à portée de main. De plus, on a vu récemment le nombre de sous-alimentés diminuer également en valeur absolue, passant de 1 020 millions à 925 millions. Bien entendu, une personne sous-alimentée c’est une de trop, mais le recul est incontestable et parfois spectaculaire : au Brésil, la malnutrition a reculé de 73% en quelques années.

Cette évolution est confirmée quand on regarde le pourcentage de personnes vivant avec moins de 1,25 dollars par jour. Bien entendu le critère est discutable, surtout dans des économies qui ne sont pas totalement monétarisées ; mais c’est celui du rapport 2010 de l’ONU. On constate que pour l’Afrique subsaharienne, qui en était à 58% en 1990, le chiffre était tombé à 51% en 2005 ; l’Asie du sud est passée de 49 à 39%, l’Asie du sud-est de 39 à 19%, l’Asie de l’Est de 60 à 16% : pour l’Asie, l’effet des pays émergents est spectaculaire ; en Amérique latine, on passe de 11% à 8% et en Afrique du nord de 5 à 3% : les chiffres deviennent minimes. Certes, l’objectif du millénaire était plus faible encore, mais c’était pour 2015 et l’évolution va dans la bonne direction et elle est très rapide en Asie.

Même l’Afrique devient émergente

On connait cependant l’argument classique : oui, cette évolution va dans le bon sens, mais les pays émergents sont en Asie (Inde, Chine, plus tous les dragons), ou parfois en Amérique latine (Brésil). Mais l’Afrique, elle, s’enfonce dans la misère et les écarts avec les pays riches se creusent. Là encore, c’est inexact. Le Monde, dont on connaît le parti pris antioccidental, nos pays étant accusés d’impérialisme vis-à-vis du tiers-monde, titre sur toute une page « L’Afrique bien partie pour prendre son envol. Contrairement aux idées reçues, les investissements y sont plus rentables que dans le reste du monde ». Coup de folie d’un journaliste ? Moins d’une semaine après, c’est le tour des Echos : « L’Afrique à l’aube d’un véritable envol économique, selon McKinsey ».

On apprend par exemple que le FMI révèle que de 2000 à 2009 le taux de croissance annuel moyen de l’Afrique, en dépit de la mauvaise année 2009, a été de 5,1%. Certes, elle partait de bas, mais il faut une certaine dose de mauvaise foi pour affirmer que les écarts se creusent avec les pays riches, quand ceux-ci, France en tête, se trainent avec des croissances proches de 1%, 2% au mieux ! La lecture du Monde offre même parfois de jolies surprises : « L’afro pessimisme est en train de prendre un coup de vieux, car les cabinets de conseils et d’études, tout comme les investisseurs, découvrent, les uns après les autres, que l’Afrique est devenue un continent d’opportunités promis à un développement rapide ». Etrange, d’un coup on ne parle plus d’aides publiques, mais d’opportunités, d’investissements : le secteur privé serait-il devenu fréquentable pour le Monde ? Et par contraste les vieilles recettes défendues encore cette semaine par Nicolas Sarkozy, taxe Tobin en tête, taxe sur les billets d’avion ou sur n’importe quoi, qui passent toutes par plus d’impôts et plus d’aides publiques, font vraiment vieilles rengaines. (Cf. l’article de J. Garello de la dernière NL sur la taxe Tobin).

Oui, mais si on veut bien admettre que, comme l’ex-tiers-monde se développe à 5, 8 ou 10% par an, et donc que les écarts se resserrent à la vitesse grand V, on ajoute aussitôt que c’est à l’intérieur de chaque pays émergent que les écarts se creusent : sous-entendu, vieille rengaine social-démocrate : le capitalisme, c’est peut-être efficace, mais c’est sacrément injuste ! Alors, pardon pour mes lecteurs, appelons encore Le Monde à la barre : titre sur toute une page : « Le niveau de vie continue de progresser dans les pays émergents » et en grosses lettres « La classe moyenne mondiale a triplé en dix ans » ! Ah bon ? Mais on nous avait raconté qu’il n’y avait dans ces pays que des milliardaires et des exclus, les uns exploitant les autres. Et maintenant on avoue que c’est la classe moyenne qui se développe. Cette fois, c’est une étude réalisée par le groupe d’assurance Allianz qui montre le rééquilibrage à l’œuvre en faveur des pays émergents et à l’intérieur de ceux-ci. Les écarts se réduisent. « La dynamique se situe clairement du coté des pays émergents ». L’impérialisme serait-il passé par pertes et profits ? Le Monde oublie-t-il Rosa Luxembourg ?

La liberté ou l’Etat ?

Le contraste entre la classe politique mondiale, qui se crispe sur le chiffre de l’aide publique par rapport au PIB, alors que celle-ci fait l’objet d’une énorme corruption et qu’elle a prouvé son inefficacité, et la réalité observée par tous les spécialistes et experts de bonne foi est affligeant. Tout prouve, des études sur le commerce mondial dont nous parlions il y a quinze jours, jusqu’aux indices de liberté, que c’est en redécouvrant le marché et la liberté économique que l’ex-tiers-monde a décollé. Quel pays émergent peut affirmer s’en être sorti en raison de l’aide publique ? Même Clinton affirmait à Chirac que « la meilleure forme d’aide, c’est le commerce » et la meilleure arme de développement, ce ne sont pas des mesures d’assistanat, mais la liberté et de bonnes institutions. Si les sceptiques doutent du rôle d’institutions favorisant le développement (état de droit, garantie des droits de propriété, liberté des contrats, …) qu’ils comparent Corée du Nord et du Sud : même peuple, même langue, même territoire : le Sud a rejoint les pays riches et est membre de l’OCDE, le Nord est un pays en totale voie de paupérisation, alors qu’il était mieux doté en richesses naturelles, sans parler des pertes de liberté et du totalitarisme.

Oui, mais les institutions, le commerce, l’état de droit, c’est bien, mais il faut du temps, le développement ne se fait pas en un jour ; or il y a des situations d’urgence, et là, l’aide publique s’imposerait. Et voilà que Le Monde achève les derniers partisans de la ligne marxisante du Monde diplomatique, en titrant deux jours plus tard : « L’aide privée stimule la lutte contre la pauvreté ». « Les fondations, dont celle de Bill et Melinda Gates, sont devenues des partenaires incontournables des Nations Unies ». Bon, cela n’empêche pas l’ONU de vanter les mérites de l’aide publique, mais on sent bien que s’ils sont toujours pratiquants, ils ne sont plus croyants.

Ce qui est sûr, c’est que parler du tiers-monde est devenu ridicule. Pendant que le monde entier progresse, certes à des rythmes variables, sous les effets de la liberté, les pays riches préfèrent glorifier l’Etat et ses relances publiques, imaginer des impôts et des réglementations, des relances keynésiennes et de vieux relents de protectionnisme. Continuons comme cela, et demain c’est la Chine qui nous apportera des sacs de riz ! Pour combattre vraiment la faim dans le monde, il fallait d’abord en finir avec les aberrations socialistes qui restaient dans les têtes. C’est la liberté qui produit les richesses et donne en même temps aux hommes leur dignité.


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