Cette petite manifestation me semblait bien sympathique : les syndicalistes, avec leurs beaux ballons rouges, distribuaient des cacahouètes aux automobilistes afin – j’imagine – de les convaincre du bien-fondé de leur action dénonçant apparemment le recours abusif à l’intérim. Pourquoi pas après tout ?
Moi, j’étais de l’autre côté de la route et j’avançai donc sans problème. Mais il ne me fallut pas longtemps pour commencer à me poser des questions. Derrière ce barrage anodin et sympathique, il y avait des centaines de voitures – peut-être des milliers – qui étaient bloquées sur les routes, jusque et y compris sur l’autoroute. Parmi toutes ces voitures, de nombreux automobilistes ainsi que des bus des transports en commun se retrouvaient complètement à l'arrêt sans qu’ils aient quoi que ce soit à voir avec le problème des manifestants.
Même si je n’ai jamais été moi-même syndiqué – trop indépendant pour ça – je considère que le combat syndical a été et est encore indispensable dans nos sociétés. C’est grâce aux syndicats que nous pouvons vivre dans une société qui respecte un tant soit peu les travailleurs. Si la négociation est évidemment l’outil essentiel du travail syndical, je reconnais aussi qu’ils doivent parfois mener des actions marquantes pour faire entendre leurs revendications.
Néanmoins, je ne suis pas convaincu qu’il leur soit légitime de bloquer la circulation de toute une région (déjà compliquée par de nombreux travaux) et d’empêcher d’autres travailleurs, n’ayant rien à voir avec le problème en question, de se rendre normalement à leur travail. C’est le genre d’actions qui – malheureusement – me détourne du travail syndical (et je ne suis sans doute pas le seul). Les syndicats plaident pour le respect des travailleurs, mais ne les respectent pas toujours. Ils devraient être un outil de démocratisation de la société, mais s’érigent parfois en véritables dictateurs du dialogue social, ne voulant imposer que leur vision des choses et leur manière d’agir.
Qu’on me comprenne bien : je répète qu’aujourd’hui encore, le combat syndical me semble essentiel. Mais peut-être doit-il prendre des formes plus subtiles. À analyser cas par cas. Quand des millions de travailleurs manifestent dans les rues de France pour faire entendre leur avis par rapport à l’allongement de l’âge de la retraite, je les comprends bien. Même si je sais qu’il faut bien trouver une solution au financement des retraites et si en temps que belge pour lequel l’âge de la pension est fixé à 65 ans, je me dis qu’il ne doit pas être trop pénible de le faire passer à 62 ans ! Mais il est légitime, pour les syndicats, de contester une mesure qui revient sur des droits acquis sans qu’il y ait de véritable dialogue.
Par contre, je crois que je ne pourrai jamais accepter que quelques isolés imposent à la collectivité un blocage de ses activités sous le seul prétexte d’une revendication dont la légitimité n’est pas nulle, mais prête quand même à discussion.