Matin

Par Alain Bagnoud

Encore un matin superbe, comme un moment suspendu de pleine liberté. L’aube hésite et se retient au-dessus des toits. Le jour est gros de promesses.

Des nuées d’étourneaux tournoient entre les marronniers. Les passants toujours dans l’ombre, brossés, harnachés, maquillés, ne sont pas encore prêts au combat pourtant. Une nostalgie, une tendresse les emplissent, que les premiers frottements chasseront.

Déjà, ça commence. Derrière moi, une fille dit que quelqu’un va mettre un poing dans la gueule de quelqu’un d’autre, et qu’il giclera loin, et qu’il ressemblera à un chameau. La première page d’un journal annonce qu’un bug a démasqué le violeur d’un parti politique d’extrême-droite.

Mais des femmes belles et parées passent sur le trottoir, surprises par leur propre beauté, rêveuses sous le ciel complice, et je songe à des paradis vagues.