Inépuisable au propre et au figuré : l‘ultime version du Boeing B-52H va ętre rajeunie et prolongée, une décision du Pentagone qui permet de supposer que les 70 derniers exemplaires du célčbre bombardier stratégique partiront en retraite ŕ 85 ans, au plus tôt. Chacun espčre que le gouvernement français ne connaît pas le dossier !
Pour Boeing, il s’agit d’un véritable pactole, un contrat de 11,9 milliards de dollars réparti sur 8 ans. La veille, la Navy lui avait confié un contrat de 5,3 milliards de dollars pour la fourniture de 66 F/A-18 Super Hornet (en versions E, F et G), ce qui permettra ŕ ce programme de franchir le cap des 500 exemplaires produits. Bien entendu, certains esprits mal intentionnés verront lŕ une double subvention au groupe de Chicago, une accusation pourtant dénuée de fondement : les Forces armées américaines vivent leur vie en toute liberté et ne s’intéressent gučre aux sombres polémiques commerciales qui opposent les Etats-Unis ŕ l’Europe.
Il convient plutôt de retenir que le B-52 (qui s’invite dans l’actualité pour la deuxičme fois de l’année) confčre une valeur particuličre ŕ l’échelle de temps de l’aéronautique. L’imposant octoréacteur a en effet effectué son premier vol en 1952, est entré en service trois ans plus tard et a été produit ŕ 744 exemplaires. Du temps de la guerre froide, personne ne comptait.
Le dernier B-52H reconditionné sera livré en 2018 et il est actuellement prévu de le maintenir en service jusqu’en 2040. Cela en sachant que ses formidables capacités opérationnelles bénéficieront évidemment de l’appui des B-1 et B-2 et, plus tard, du mystérieux NGB, Next Generation Bomber, trčs probablement en cours de développement, protégé par le secret le plus absolu. A en croire Selon les suppositions qui animent les dîners en ville (ceux de Washington), le maître d’œuvre du NGB serait Northrop et un démonstrateur ou prototype en serait déjŕ aux essais en vol. A voix basse, les męmes convives s’interrogent par ailleurs sur l’éventualité d’une fusion Boeing-Northrop…
Quoi qu’il en soit, l’extraordinaire longévité du B-52 déroute, bien qu’elle soit parfaitement justifiée du point de vue des stratčges. On a pourtant peine ŕ croire qu’un appareil conçu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale puisse ainsi jouer les prolongations au fil des décennies. Comme s’il s’agissait de nier que l’état de l’art est constamment en évolution, que la technologie progresse sans cesse ŕ pas de géants. C’est oublier que le gros bombardier s’est mué en Ťplate-formeť sur laquelle reposent des systčmes d’armes évolutifs qui n’ont plus rien ŕ voir avec ceux des années cinquante.
A l’époque du Dr Folamour de Stanley Kubrick, il s’agissait d’emporter l’arme nucléaire ŕ l’autre bout du monde, oů se situait Ťl’ennemi éventuelť. Parallčlement sont venus les chapelets de bombes du Vietnam, d’Irak, etc., ensuite remplacés par des missiles de croisičre. Reste le fait que la cellule elle-męme a été conçue en fonction des connaissances et des critčres de 1950, de męme que les vénérables moteurs Pratt & Whitney TF-33 d’une autre époque. On est d’ailleurs en droit de s’étonner que les B-52 n’aient pas été dotés de propulseurs modernes qui auraient notablement réduit leur consommation de carburant et augmenté d’autant leur autonomie. Le choix est économique, sachant que le B-52 vit en couple avec le ravitailleur KC-135R. Et, Ťbientôtť, le successeur de ce dernier.
Le B-52, bien que sa raison d’ętre et son palmarčs ne soient pas précisément pacifiques, est devenu un avion mythique qui, ŕ lui seul, raconte plus d’un demi-sičcle de guerres aériennes. Il fascine tellement que les jeunes pilotes américains qui en prennent les commandes affichent une indéfectible fierté. ŤJ’ai un seul regretť, nous a dit un jour l’un d’eux, Ťc’est de voler peu, en moyenne un seul vol par semaineť. Ménageant ses effets, aprčs une pause de quelques secondes, il avait ajouté : Ť…mais ce sont des vols d’une durée de 24 heuresť.
Pierre Sparaco - AeroMorning