Crédit photo : Sandrine Cellard
Morgan merci. Merci parce que grâce à toi j'écoute en boucle ce que je considère comme l'album le plus efficace de ma rentrée. Efficace parce qu'il me semble qu'on a rarement réussi à provoquer autant d'émotions avec si peu de moyens. Rares sont ceux qui peuvent s'appuyer seulement sur leur voix et quelques arrangements bricolés pour bouleverser l'auditoire. Toi, tu es de ces artistes là. Ton deuxième album, Grande, est une petite merveille de folk dépouillé. Pour tout dire, dès la première écoute j'ai pensé à "Family Tree" l'excellent album posthume de Nick Drake composé de morceaux livrés dans leur version originale. Ces titres enregistrés pour la plupart à la maison sur un vieux radiocassette qui donne une teinte très "lo-fi" à l'ensemble mais où l'on frémit d'émotion en découvrant les V.O. de titres mythiques en ayant l'impression de peut être toucher du doigt ce qu'était l'ébauche de ces petits moments de magie qu'a su livrer Nick pendant sa (trop) courte carrière.
Si l'on cerne assez vite que ta recette de base est toujours la même ce qui inscrit les 10 morceaux de Grande dans une véritable unité artistique, tu t'autorises des variantes intéressantes sur un même thème à base de claviers, cordes et effets vocaux pour concocter des arrangements parfois expérimentaux (je pense en particulier à l'intro de Then I saw). Sur Knees, les incantations d'une douceur inouïe surprennent tandis que ce sont les sonorités andalouses qui retiennent l'attention sur Moncale. Toujours avec peu de moyens, ce qui éveille ma curiosité : Je me prends à me demander ce que tu pourrais bien nous réserver s'il te prenait un jour l'envie de t'entourer.
Sur cet album les sonorités métalliques du banjo et la réverbe profonde très 70's s'harmonisent à merveille avec ta voix claire. Le son souvent lo-fi dont on ne saurait dire s'il s'agit d'une signature arty ou d'une bienheureuse conséquence du manque de moyens s'accorde parfaitement avec l'ensemble. Somptueux.
Et puis il y a l'objet en lui même, ce CD aussi dépouillé que ta musique, orné seulement d'une photo d'un profil radieux, photo vintage aux tons passés d'une élégante sobriété.
Fort de ce dénument inspiré et lumineux, Grande livre des morceaux dont on se plait à imaginer qu'ils sont ceux dont résonnerait le monde après l'apocalypse, la seule voix de Morgan perçant le silence assourdissant pour réchauffer les coeurs solitaires. Cet album est celui d'une révélation : celle du jeune Morgan Manifacier , exilé outre Atlantique mais qui revient ponctuellement sur son territoire natal pour enjôler ceux qui croisent sa route. Donc merci. Encore merci. Et reviens vite à Paris.
P.S. Ah oui, un seul point sur lequel je suis partagée : Cette décision de sacrifier ta crinière sauvage, je sais pas, je ne comprends pas; mais je te pardonne, va, parce que tu en as profité pour en faire un clip dépouillé qui s'achève sur ton nouveau look monacal qui te va finalement bien lui aussi alors...
L'album Grande peut être écouté et acheté ici...